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HISTOIRE PARLEMENTAIRE.

de son père. Cette nouvelle, c’était l’égalité d’origine et l’unité de but. Nier le titre divin de celui qui apporta la vérité, c’est ne croire à aucune vérité.

Il y a deux choses dans M. Buchez qui commandent l’estime, sa conviction et sa science : il a consacré plusieurs années de sa vie, avec son collaborateur M. Roux, à rassembler tous les documens de la révolution, puis il nous en a donné une interprétation philosophique. Les documens sont précieux ; plusieurs renseignemens importans échapperont à l’oubli, en prenant place dans une collection vaste et bien ordonnée. L’interprétation ne peut appartenir qu’à un esprit énergique et distingué ; mais elle nous semble erronée. La révolution française n’est ni anti-religieuse ni anti-chrétienne, car elle s’accorde, dans plusieurs de ses conséquences, avec les principes du christianisme : mais, si l’on ne veut pas se départir de l’exactitude scientifique, il faudra dire que la révolution française est plutôt philosophique dans ses causes et ses maximes. Elle appartient à une autre tradition que la tradition chrétienne ; elle ne la nie pas, mais elle s’en distingue.

Que gagnent la science sociale et la vérité dans la confusion de deux ordres d’idées qui ne doivent pas s’exclure, mais se compléter ? Quand M. Buchez oppose hostilement la morale à la science, quand il parle de la méthode chrétienne de Bacon et de Descartes, est-il bien sûr de s’entendre lui-même ? Jusqu’où peut aller la préoccupation d’une idée fixe, puisque cet écrivain ne craint pas d’attribuer à l’humilité chrétienne les progrès de l’astronomie moderne ? « La vanité des Grecs d’Alexandrie, dit-il, avait cru que l’homme et la terre, qui lui servait d’habitation, étaient le centre du monde. L’humilité chrétienne trouva que nous ne devions pas être si haut placés dans la hiérarchie des mondes, et elle vit que le soleil était central et la terre un de ses satellites[1]. »

Au même moment où M. Buchez attribue au christianisme des mérites qui lui semblent assez étrangers, il tombe dans un inconcevable oubli de son esprit et de sa charité, quand il cherche à établir le droit qu’a la société d’écraser ses ennemis, et quand il s’égare jusqu’à risquer une apologie des journées de septembre. « À la Saint-Barthélemy, écrit-il, on poursuivit ceux qui avaient introduit la guerre civile et étrangère, ceux qui voulaient fédéraliser la France, en rétablissant et perfectionnant le régime féodal. Aux journées de septembre, on

  1. Histoire parlementaire, tom. XVI. Préface.