dence. Comme la révolution française a été de tous les mouvemens de l’histoire moderne le plus fécond en idées et en passions, elle se trouve naturellement, pour le peuple qui en fut le promoteur, une cause de grandeur et de périls, de régénération et de ruines. On peut lui dire comme Joad au Dieu des Juifs :
Or, qu’y a-t-il de mieux à faire, après des crises héroïques, que de recueillir et de concentrer toutes les ressources de la vie pour passer de la fièvre à la santé, de l’exaltation à la force qui se modère, se connaît et s’augmente par ce gouvernement d’elle-même ?
Ce qui distingue la révolution française dans l’histoire des sociétés, ce n’est pas d’avoir fait retentir si haut les mots et les principes de démocratie et d’égalité. Que de fois, avant elle, ces mots proclamés avaient servi de signal à des commotions politiques ! Mais ne relever dans ses entreprises que de l’autorité de l’esprit humain, se séparer des traditions pour les juger toutes, et n’admettre, en les transformant, que celles qui pouvaient gagner leur cause au tribunal de la raison ; enfin, opérer un changement radical dans les institutions et les destinées d’un peuple, au point de vue métaphysique, voilà ce qui se passa en 1789, voilà qui fut inoui, voilà qui fut nouveau. La réforme de Luther au XVIe siècle avait procédé par l’interprétation des textes et par le retour aux erremens du christianisme primitif. La révolution française ne s’attachait qu’à la pensée même, prise dans sa plus pure abstraction. Aussi de grands métaphysiciens, qui la contemplaient comme un spectacle, la saluèrent avec enthousiasme ; Kant et Fichte reconnaissaient dans ses principes l’indépendance pratique de cette raison dont ils professaient la souveraineté dans la sphère spéculative.
Ainsi s’ouvrait pour les sociétés une expérience immense ; on faisait de la raison aux affaires humaines une application directe, et l’ère philosophique commençait. Tout est contenu dans ce fait fondamental, la nouveauté de l’œuvre, sa grandeur, ses dangers, l’inévitable fatalité qui devait entraîner à des erreurs les imaginations surexcitées, l’infini de l’avenir, la multiplicité des évènemens et des formes que devait amener et que pouvait revêtir l’idée révolutionnaire. On vit les représentans d’un grand pays penser comme un seul homme, écrire une société nouvelle comme un livre, et leur raison sut édifier en même temps qu’elle effaçait. L’esprit humain, dans ce début qui intéressait tous les peuples, n’eut point à se plaindre