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rains seraient capables. L’association aspire encore à ces merveilles impossibles aujourd’hui, et elle a voulu tenter pour la Nouvelle-Zélande ce que d’autres avaient réalisé pour l’Inde. Le gouvernement semblait décidé à oublier cet archipel, moins par indifférence que par lassitude : l’association a offert de le suppléer dans cette tâche, de se substituer à ses devoirs. Elle ne demandait qu’une jouissance temporaire, qu’un usufruit, couvrant ainsi la spéculation sous le manteau du patriotisme. Pressé de la sorte, le gouvernement n’a pu résister, il a été entraîné sur un terrain qu’il n’avait pas choisi, et a obéi, par contre-coup, à des pensées d’agrandissement dont il avait d’abord cherché à se défendre. Ainsi, ce que n’avaient pu amener ni les sollicitations itératives de M. Busby, consul résident à la baie des Îles, qui se chargeait de faire toute la police de la Nouvelle-Zélande avec soixante soldats réguliers, ni les rapports du capitaine Hobson du Rattlesnake, ni les dépêches du gouverneur de Sydney, ni les pétitions incessantes des armateurs pour la pêche de la baleine, une compagnie entreprit de le faire à côté du gouvernement, en ne lui demandant qu’une investiture légale, mais limitée. Telle est l’origine de la compagnie territoriale de la Nouvelle-Zélande (New-Zealand land company), qui a excité et excite encore une si vive attention de l’autre côté de la Manche.

Cette compagnie s’est, à son début, constituée l’héritière d’une société commerciale fondée sous le nom de New-Zealand flax company (compagnie linière de la Nouvelle-Zélande), et dont l’existence remonte à 1825. Le nom de lord Durham, qui a si souvent figuré dans les entreprises de ce genre, a servi de lien aux deux spéculations. La première avait eu une fin ridicule. Une troupe de colons, débarquée à la Nouvelle-Zélande et accueillie sur la plage par des naturels qui exécutaient une danse guerrière, fut saisie d’une telle frayeur à l’aspect de ces gestes et en entendant ces cris, qu’elle remonta précipitamment sur ses chaloupes, se croyant menacée d’une agression soudaine. Les vaisseaux repartirent comme ils étaient venus, sans laisser un seul homme à terre. Ainsi avorta ce projet prématuré. La nouvelle compagnie a opéré sur d’autres bases et avec une tout autre puissance. L’un des secrétaires de lord Durham, M. Wakefield, en a été le plus ardent promoteur. Grace à lui, de grands noms de l’aristocratie s’empressèrent d’offrir leur patronage ; des banquiers, des membres de la chambre des communes, de jeunes baronnets se chargèrent de donner l’élan et mirent leur influence au service de l’affaire. L’essentiel était d’abord d’obtenir une sanction