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Et quelle était sa cruauté,
Et l’espérance à tout jamais perdue,
Il résolut de cesser de souffrir,
Et, rassemblant dans un dernier soupir
Toutes les forces de sa vie,
Il serra la main de sa mie,
Et rendit l’ame à son côté.
Silvia, non sans quelque surprise,
Admirant sa tranquillité,
Resta d’abord quelque temps indécise :
« Jérôme, il faut sortir d’ici,
« Dit-elle enfin, l’heure s’avance. »
Et, comme il gardait le silence,
Elle pensa qu’il s’était endormi.
Se soulevant donc à demi,
Et doucement l’appelant à voix basse,
Elle étendit la main vers lui,
Et le trouva froid comme glace.
Elle s’en étonna d’abord ;
Bientôt, l’ayant touché plus fort,
Et voyant sa peine inutile,
Son ami restant immobile,
Elle comprit qu’il était mort.
Que faire ? Il n’était pas facile
De le savoir en un moment pareil.
Elle avisa de demander conseil
À son mari, le tira de son somme,
Et lui conta l’histoire de Jérôme
Comme un malheur advenu depuis peu,
Sans dire à qui, ni dans quel lieu.
« En pareil cas, répondit le bonhomme,
« Je crois que le meilleur serait
« De porter le mort en secret
« À son logis, l’y laisser sans rancune,
« Car la femme n’a point failli,
« Et le mal est à la Fortune. »
« C’est donc à nous de faire ainsi, »
Dit la femme, et, prenant la main de son mari,
Elle lui fit toucher près d’elle
Le corps sur son lit étendu.