Page:Revue des Deux Mondes - 1840 - tome 21.djvu/136

Cette page a été validée par deux contributeurs.
132
REVUE DES DEUX MONDES.

Il part, tout plein de ses amours,
Comblant les nuits, comptant les jours,
Laissant derrière lui la moitié de sa vie.
L’exil dura deux ans ; ce long terme passé,
Jérôme revint à Florence,
Du mal d’amour plus que jamais blessé,
Croyant sans doute être récompensé ;
Mais c’est un grand tort que l’absence.
Pendant qu’au loin courait le jouvenceau,
La fille s’était mariée.
En revoyant les rives de l’Arno,
Il n’y trouva que le tombeau
De son espérance oubliée.
D’abord il n’en murmura point,
Sachant que le monde, en ce point,
Agit rarement d’autre sorte.
De l’infidèle il connaissait la porte,
Et tous les jours il passait sur le seuil,
Espérant un signe, un coup d’œil,
Un rien, comme on fait quand on aime.
Mais tous ses pas furent perdus ;
Silvia ne le connaissait plus,
Dont il sentit une douleur extrême.
Cependant, avant d’en mourir,
Il voulut de son souvenir
Essayer de parler lui-même.
Le mari n’était pas jaloux,
Ni la femme bien surveillée.
Un soir que les nouveaux époux
Chez un voisin étaient à la veillée,
Dans la maison, au tomber de la nuit,
Jérôme entra, se cacha près du lit,
Derrière une pièce de toile ;
Car l’époux était tisserand
Et fabriquait cette espèce de voile
Qu’on met sur un balcon toscan.
 Bientôt après les mariés rentrèrent,
Et presque aussitôt se couchèrent ;
Dès qu’il entend dormir l’époux,
Dans l’ombre, vers Silvia, Jérôme s’achemine,