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SILVIA.

Et d’un buisson peut faire un oranger[1].
Ayant donc pris les tuteurs à partie,
La mère dit : « Cet enfant que voici,
« Lequel n’a pas quatorze ans, Dieu merci,
« Va désoler le reste de ma vie.
« Il s’est si bien amouraché
« De la fille d’un mercenaire,
« Qu’un de ces jours, s’il n’en est empêché,
« Je vais me réveiller grand’mère.
« Soir ni matin, il ne la quitte pas ;
« C’est, je crois, Silvia qu’on l’appelle ;
« Et s’il doit voir quelqu’autre dans ses bras,
« Il se consumera pour elle.
« Il faudrait donc, avec votre agrément,
« L’éloigner par quelque voyage ;
« Il est jeune, la fille est sage,
« Elle l’oubliera sûrement ;
« Et nous le marierons à quelque honnête femme. »
Les tuteurs dirent que la dame
Avait parlé fort sagement :
« Te voilà grand, dirent-ils à Jérôme,
« Il est bon de voir du pays.
« Va-t-en passer quelques jours à Paris,
« Voir ce que c’est qu’un gentilhomme,
« Le bel usage, et comme on vit là-bas ;
« Dans peu de temps tu reviendras. »
À ce conseil, le garçon, comme on pense,
Répondit qu’il n’en ferait rien,
Et qu’il pouvait voir aussi bien
Comment l’on vivait à Florence.
Là dessus, la mère en fureur
Répond d’abord par une grosse injure ;
Puis elle prend l’enfant par la douceur,
On le raisonne, on le conjure.
À ses tuteurs il lui faut obéir ;
On lui promet de ne le retenir
Qu’un an au plus. Tant et tant on le prie,
Qu’il cède enfin. Il quitte sa patrie ;

  1. Proverbe florentin.