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Toutefois les sipahies ne montrèrent pas moins d’empressement que les Européens à s’élancer sur la rive opposée. Des négociations conduites par sir Alex. Burnes avaient amené un traité entre l’amir de Khaerpour et le gouvernement suprême, en vertu duquel la forteresse de Bâkker, située sur une île au milieu du cours du fleuve, était cédée en toute propriété aux Anglais ; résultat d’une immense importance en lui-même, et sur lequel nous aurons occasion de revenir par la suite. Le 31 janvier, les troupes anglaises, après quelques hésitations de l’amir, qui ne semblait pas vouloir s’exécuter de bonne grace, avaient pris possession du fort. Le 20 février, tout le corps d’armée du Bengale et les troupes de Shah-Shoudjâ étaient réunies à Shikarpour. Le commandant en chef, sir Henry Fane, avait pris congé de l’armée le 16 février pour se rendre à Bombay ; l’état des affaires dans le Deccan et les vues ultérieures du gouvernement (par suite des circonstances extraordinaires dans lesquelles les Indes anglaises étaient placées) nécessitaient sa présence dans l’Hindoustan. Le lieutenant-général Keane, destiné à lui succéder dans le commandement immédiat de l’expédition, s’avançait pour opérer sa jonction avec les troupes du Bengale, après avoir rangé le Sindh sous l’autorité anglaise et imposé aux amirs d’Hyderabad un nouveau traité qui assurait la libre navigation de l’Indus, la possession du port de Karatchi aux Anglais, et d’autres avantages matériels ou politiques qui rendent par le fait tout le Delta de l’Indus province anglaise.

Dans les premiers jours d’avril, la jonction des deux armées s’était opérée à Quetta, capitale de la province de Shâl. Dès le 17 mars, sir Alex. Burnes, à la tête d’un détachement d’avant-garde, avait franchi les passes du Bolan et s’était occupé, avec son activité ordinaire, des moyens de diminuer, autant que possible, les privations et les souffrances qui attendaient l’armée dans sa marche à travers ces défilés, formidables par les obstacles naturels qu’ils opposent au passage, et la difficulté, ou même l’impossibilité, de s’y procurer de l’eau. Cependant ses efforts n’eurent pour résultat que de rassembler vers le milieu de la passe principale (qui n’a pas moins de quatorze à quinze lieues de long) quelques chameaux chargés d’outres remplies de ce précieux liquide dont chaque goutte valait, pour les malheureux soldats, son pesant d’or. Toute l’armée cependant était arrivée saine et sauve de l’autre côté des passes, dans la délicieuse vallée de Shâl, sans avoir encore rencontré aucun ennemi sérieux, mais inquiétée sur ses flancs et sur ses derrières par des nuées de Bélout-