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AFFAIRES DE L’AFAGHANISTAN.

zarehs, pilla et captura les sujets de la Perse pour les vendre en esclavage. Les Afghans d’Hérat ont continué ce système de guerre et de rapine sans intermission depuis cette époque, et la Perse n’a répondu à ces actes d’agression par aucune mesure hostile, à moins qu’on ne considère comme telle la déclaration publique de son intention d’attaquer Hérat. Dans ces circonstances, il ne saurait, je pense, exister de doute quant à la justice de la guerre que le shah veut entreprendre ; et, bien que la prise d’Hérat par la Perse fût certainement un grand mal, nous ne devrons pas nous étonner que le shah, sans égards pour nos remontrances, maintienne le droit qu’il a sans doute de faire la guerre à un ennemi qui l’a poussé à bout, et qu’il peut se regarder comme obligé, par son devoir envers ses sujets, de punir ou même de déposséder entièrement. »

Rien ne saurait être plus concluant, ce nous semble, que ces aveux de M. Mac-Neill. Mais nous ne sommes pas au bout. À tous les sujets de plaintes énumérés par la cour de Perse, vinrent s’ajouter les réponses hautaines de Kamran aux propositions qui lui furent faites à la fin de 1836, d’après le désir et par l’intermédiaire de l’ambassadeur anglais. Enfin, et comme dernière insulte, Kamran, se dégageant ouvertement de toute dépendance envers la Perse (dont la suzeraineté sur cette partie de l’Afghanistan était établie et reconnue depuis long-temps par les chefs afghans eux-mêmes[1], prit le titre de shah[2] et la haute désignation de kéblé alem (père du monde). Des négociations furent renouvelées l’année suivante sans succès, et, en juillet 1837, le shah se mit à la tête d’une nouvelle expédition contre Hérat. Le siége traîna en longueur. Un officier d’artillerie anglais, le lieutenant Pottinger, « voyageant dans l’Afghanistan par ordre du gouverneur-général de l’Inde[3], » et arrivé à Hérat en octobre, dirigeait la défense de la place. M. Mac-Neill offrit de nouveau sa médiation pour la conclusion d’un traité, et, pour donner plus de poids à ses démarches, il se rendit au camp en mars 1838. L’ambassadeur russe l’y suivit. Les dépêches du gouverneur-général de l’Inde, et les instructions du cabinet de Saint-James, faisaient un

  1. Les chefs de Kandahar et celui de Kaboul. Bien plus : le ministre persan, dans sa réponse à l’une des lettres de M. Mac-Neill, affirme que le prince Kamran avait reçu l’investiture de la principauté d’Hérat à Tehran même, où il était venu faire sa soumission au feu roi, et que le fait est de notoriété publique, ce qui n’est en aucune manière démenti par M. Mac-Neill.
  2. C’est-à-dire qu’il se fit appeler Kamran-Shah au lieu de Shah-Kamran.
  3. Correspondance de M. Mac-Neill.