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permettra pas plus une idée collatérale qu’un bon chimiste une métaphore dans un narré d’analyse. On ne doit pas trop s’en plaindre il arrive ainsi que des documens, peut-être utiles, s’amassent sans être compromis par les idées de personne.

Il y a pourtant en érudition, comme partout ailleurs, l’invention, le goût, l’esprit, et sous l’appareil des doctes mémoires et l’enchâssement des textes, c’est là qu’il faut aller d’abord pour savoir à quoi bon ? et si quelque chose de véritablement essentiel ou de piquant, d’original en un mot, est en jeu ; c’est à ce fond qu’il faut venir pour classer les œuvres et surtout les hommes.

En érudition, l’œuvre vaut souvent mieux que l’homme. Des esprits sensés, laborieux et patiens peuvent aller loin. M. Joubert, dans une de ses plus vraies et de ses plus ingénieuses pensées, a dit : « Les savans fabriqués sont les eaux de Barége faites à Tivoli. Tout y est, excepté le naturel. Elles ont quelque utilité, mais leurs qualités factices s’évaporent très promptement. Elles ne valent que par l’emploi et non par l’essence. » Combien, dans une académie, de ces savans par art, qui ne valent que par l’emploi, qui ne sont ni originaux ni inventeurs, qui ont tout appris, même l’esprit ! Et plût à Dieu qu’il y en eût beaucoup encore qui eussent appris cela !

Dégager de notre Académie des Inscriptions les savans par essence des savans par art et même sans art, serait chose plus amusante qu’on ne croit. La témérité semblerait grande, mais on est dans le siècle des témérités. Les savans y ont encore échappé toutefois ; on les respecte. Un certain cercle d’ennui les protége et fait brouillard du côté de la foule. La folle insolence de la critique journalière s’est portée ailleurs ; ils sont protégés par notre légèreté même. Pour quelques épigrammes banales qui s’attachent de plus en plus à tort, je le crois, au nom de l’honorable M. Raoul-Rochette, pour quelques bons mots de Courier qui sont piqués comme des étiquettes à quelques noms, et que la politique, dans le temps, a fait retenir, on laisse en paix les estimables travailleurs et les rares inventeurs, les gens d’esprit et les manœuvres ; la méthode apparente est la même ; on les confond ensemble et l’on passe.

Depuis quelque temps, un membre tout novice de l’Académie des Inscriptions, M. Berger de Xivrey, semble s’être fait le trucheman de ses doctes confrères près du public : il faut se méfier pourtant. Il pourrait bien ne pas être avoué de tous. À quelle classe le faut-il rapporter lui-même ? Je ne serais pas embarrassé de le dire, si j’osais me montrer aussi sévère envers M. Berger que M. Berger n’a pas craint d’être injuste récemment envers M. Varin, auteur d’un inté-