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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

au clergé à ne réclamer jamais que le bénéfice du droit commun et à s’incliner sous toutes les prescriptions de la loi ; mais que la lutte soit franche et que la concurrence soit sérieuse ; que l’argent, dont, selon le proverbe, il y a toujours un peu au fond des affaires humaines, que la haine, qui n’est pas moins subtile, ne viennent pas frapper de stérilité une pensée dont le pouvoir est surtout appelé à recueillir les fruits.

Ce n’est pas sérieusement qu’on affecte de croire, sachez-le bien, que le clergé, admis en concurrence avec l’état, et aux conditions prescrites par lui, à conférer l’enseignement à la portion de la jeunesse qui lui serait commise par la volonté des familles, l’élèverait dans une hostilité secrète contre la dynastie et les institutions nationales. Je comprends à merveille qu’il y ait encore des carlistes ; mais il y a quelque niaiserie à croire qu’on puisse en élever en quelque sorte à la brochette. Le temps emporte chaque jour les regrets avec les souvenirs, et si la jeunesse aspire quelquefois à devancer l’avenir, on n’a pas à craindre qu’elle se cramponne à un passé qui ne représente rien pour elle. Les traditions d’un dévouement qui s’éteint seront moins long-temps conservées dans des institutions religieuses que dans le sanctuaire de la famille ; aussi n’est-ce point par des motifs politiques qu’on redoute la concurrence du clergé dans l’enseignement : ces motifs, on hésite à les confesser, mais personne, à coup sûr, ne les ignore, et le gouvernement se gardera de mettre la sécurité de l’avenir en balance avec quelques antipathies ou quelques spéculations contemporaines ; en portant la main sur le cœur de la France, il peut s’assurer que la religion est, après tout, le seul sentiment qui le fasse battre encore d’une pulsation forte et réglée.

J’ai dû insister sur une idée dans laquelle tant d’autres viennent se résumer et se confondre. Personne ne l’ignore, même parmi ceux qui se refusent le plus obstinément aux conséquences de ce fait lui-même : ce pays souffre moins des vices de son organisation constitutionnelle, que de l’affaiblissement de toutes les croyances qui constituent la moralité politique d’un peuple. Des lois ne suffisent pas pour rendre du ressort aux institutions lorsque le scepticisme a flétri les ames ; elles ne rouvrent ni les sources du dévouement, ni celles du patriotisme. D’ailleurs, parmi les mesures dont la théorie conduit à constater la nécessité, il en est quelques-unes d’actuellement inapplicables, et quelques autres qu’un pouvoir sans lendemain regarderait comme une témérité d’essayer. La faiblesse du malade est souvent, en effet, le plus grand obstacle à l’efficacité des remèdes,