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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

n’était, par ses résultats, en rapport avec l’immensité des charges qu’il impose. À quoi l’attribuer, si ce n’est à l’insuffisance de l’enseignement religieux et des moyens établis pour le procurer ? Il est une classe d’hommes que la société ne peut atteindre malheureusement qu’acculée aux dernières extrémités de la misère ou du crime, sur les lits de douleur des hospices, ou dans les fers de ses prisons. Hors de là, ils lui échappent, et trop souvent ils la maudissent, engagés qu’ils sont dans une lutte constante contre elle. À ces hommes que nous livre la souffrance ou le vice, une voix seule peut parler pour les réconcilier à la fois avec Dieu et avec les hommes ; cette voix est celle de la religion, qui soigne avec amour les plaies de l’ame comme celles du corps.

Il n’est pas de jour, monsieur, où dans vos magnifiques hospices de Londres, si abondans en ressources, si bien chauffés et si éclatans de blancheur, vous ne nous enviiez ces héroïnes de la chasteté catholique, dont l’œil est si doux, la main si souple, le sourire si plein de consolation. Un temps pourra venir où nos prisons auront aussi leurs frères de la Charité, où de fortes ames trouveront peut-être un soulagement inexprimable dans ces abaissemens de l’humilité et ces ardeurs d’un dévouement surhumain. Que sans rien provoquer à cet égard, l’état ne contrarie pas les épanouissemens nouveaux de la pensée religieuse, s’ils viennent jamais à se produire, et qu’il n’aille pas surtout déterrer dans le Bulletin des Lois quelques décrets persécuteurs rendus entre le 10 août et les massacres de septembre ; qu’il déclare, dans la pleine conscience de sa force, que la sûreté de la France et de la liberté ne dépend pas à ses yeux de la forme d’un capuchon et de la couleur d’une robe de bure.

C’est une admirable épopée que l’histoire de cette église, produisant à chaque siècle des institutions en rapport avec les périls qui la pressent : ordres militaires, pour défendre par le fer la chrétienté menacée ; ordres mendians pour y développer les premiers germes de la fraternité évangélique ; ordres savans, pour défricher le champ de l’intelligence, à l’aide de cette charrue où s’attelèrent tant de générations de travailleurs inconnus. D’autres nécessités se révèlent aujourd’hui, et le catholicisme, sous peine d’accepter la condamnation dont tant de voix le menacent, doit enfanter des ordres moralisateurs. Que personne n’entrave ses destinées, et que le scepticisme du siècle accorde du moins une loyale épreuve à cette religion qu’il dit morte, sans comprendre que l’arrêt porté contre elle serait un arrêt porté contre la société française elle-même.