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pas parler avec l’ignorance de certains hommes auxquels il n’est guère moins inconnu que le mandarinat du céleste empire, on peut affirmer aujourd’hui que, de ce côté, les résistances sont désormais vaincues, et que si quelques préventions subsistent encore dans les souvenirs, elles n’existent nulle part dans les consciences. Mais l’adhésion de l’église garantie au pouvoir, il reste à déterminer le pied sur lequel ils doivent, dans leur intérêt mutuel, se tenir vis-à-vis l’un de l’autre ; il y a surtout à bien comprendre dans quelle mesure on peut réclamer du clergé une participation utile.

Le catholicisme a traversé les phases les plus diverses, tantôt exerçant la puissance suprême que lui déféraient les peuples unanimes alors dans leurs croyances, tantôt ne réclamant que sa place au soleil. Il a supporté les périls des persécutions sanglantes et ceux non moins redoutables des triomphes corrupteurs ; et ce qu’il y a d’universel dans son essence lui permet de tout accepter, hors un régime où sa discipline ne relèverait pas de la seule autorité qu’elle reconnaisse dans l’ordre de la conscience, autorité interprétative du dogme aussi bien que gardienne de la hiérarchie, et qui n’est pas moins dans son droit lorsqu’elle règle, selon la différence des temps, les relations du sacerdoce avec les puissances, que lorsqu’elle définit la doctrine selon des bases invariables. Toute transaction à cet égard serait, à ses yeux, l’abdication même de la pensée qu’elle exprime. À la politique, le siècle et ses révolutions ; à la religion, l’ame humaine, en tout ce qui touche au mystère de ses destinées éternelles ; c’est ce partage qu’il faut savoir accepter pour être pleinement en droit d’interdire au clergé toute excursion en dehors de son domaine, toute immixtion dans les questions de souveraineté extérieure. Pour l’avoir méconnu, Joseph II et Guillaume de Nassau ont vu le même trône se dérober sous eux ; un prince respecté de l’Europe compromet une réputation de prudence long-temps méritée, et un souverain qui promène sa superbe pensée de Varsovie à Constantinople, se prépare des obstacles dont le moment viendra de mesurer toute la gravité.

Que le gouvernement de 1830 s’attache à se concilier le clergé catholique, moins par un système de faveurs et de déférence que par le respect constant de son indépendance spirituelle ; qu’il sache comprendre surtout quelle haute importance une telle attitude habilement prise lui donnerait, en certains cas, dans ses relations diplomatiques, et qu’en un temps où le droit des consciences est si imprudemment menacé, il se montre à l’Europe comme le repré-