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REVUE. — CHRONIQUE.

Elle offre, dit-on, à l’Angleterre de lui faire accorder par la Porte l’entrée de quatre bâtimens de guerre ; la concession ira probablement plus loin, elle s’étendra aux huit vaisseaux que lord Palmerston veut avoir le droit de faire ranger en bataille devant les murs du sérail.

Quoi qu’il en soit de ces bruits, nous ne ferons pas au ministère l’injure de croire qu’il ne sait pas à quoi s’en tenir à cet égard. Il n’a sans doute pas oublié que le jour où une flotte anglaise pourrait se déployer devant Constantinople, sans se trouver à côté d’une flotte française pour le moins aussi forte, dussions-nous franchir le passage de vive force, que ce jour-là serait le dernier pour tout ministère qui aurait eu l’étrange courage de rester les bras croisés devant un arrangement qui serait une insulte pour la France. Au surplus, quels que soient les efforts et l’habileté de la diplomatie russe, et les velléités quelque peu téméraires de tel ou tel homme d’état à Londres, nous persistons à croire que le bon sens anglais l’emportera. On compte avec la nation en Angleterre, et la nation sait, malgré toutes les déclamations d’une partie de la presse anglaise, combien l’alliance anglo-française est dans l’intérêt bien entendu des deux peuples.

Les cortès sont dissoutes. Le gouvernement espagnol n’a qu’un reproche à se faire, c’est d’avoir trop différé une mesure que les circonstances lui commandaient impérieusement. Cependant tout semble promettre dans les prochaines élections une imposante majorité au parti conservateur. Les révolutionnaires ont démasqué trop tôt leurs vues et leurs projets. Malgré les invectives et les exhortations de certains journaux, l’Espagne ne veut pas se prêter à une ignoble et sanglante parodie de notre révolution, et en avoir les malheurs sans la gloire, et les crimes sans les prétextes qui paraissaient les excuser. Ce serait une honteuse faiblesse que celle d’une nation qui se laisserait fouler aux pieds par une minorité qui n’a pas même le mérite de l’originalité, et qui ne bouleverserait l’Espagne que parce que nous eûmes, il y a cinquante ans, un comité de salut public et un tribunal révolutionnaire !

En attendant, les craintes qu’inspire la démagogie sont une cause ou un prétexte d’inaction aux frontières. Deux brigades de la grande armée sont rappelées dans l’intérieur pour le maintien de l’ordre. Elles marcheront probablement vers l’Andalousie, où les agitateurs sont plus à redouter, et où ils pourraient plus facilement recevoir de criminels encouragemens. Quoi qu’il en soit, rien n’annonce un coup décisif contre Cabrera avant le printemps, et s’il était vrai que le comte d’Espagne ne fût tombé qu’en vertu d’ordres et d’injonctions dont la junte insurrectionnelle de la Catalogne n’était que le docile instrument, on ne pourrait guère espérer qu’une convention analogue à celle de Bergara vînt mettre fin à la guerre civile. Au milieu de ces difficultés, quel sera le rôle de l’Angleterre à Madrid ? Voudrait-elle exterminer les révolutionnaires au Canada, les sabrer à New-Port et les caresser en Espagne ? Nous verrons bien.

La Hollande a reconnu la reine Isabelle et nous fait des ouvertures pour un traité de commerce. Cette démarche mérite toute l’attention de notre