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sion, et, par une clause de la même loi, le Bourguignon qui voulait vendre sa part de terre, était obligé d’accorder la préférence à son consort, c’est-à-dire au Romain que le sort lui avait donné pour hôte.

Indiquer dans un travail d’érudition quelques points douteux, quelques omissions inévitables, c’est reconnaître l’exactitude des autres parties. Ni le savoir, ni la pénétration, ni l’ardeur généreuse, ne manquent à M. Laboulaye ; qu’il cède moins facilement au dangereux désir de donner du relief aux idées, qu’il se demande, avant de résumer audacieusement les faits, s’ils ont été mis hors de doute par la discussion, si les formules générales s’appliquent strictement aux détails, et il pourra, nous n’en doutons pas, opposer d’excellentes études sur le droit public, à celles que l’Allemagne savante compte aujourd’hui parmi ses plus beaux titres. Déjà M. Laboulaye possède les qualités qui seront toujours de rigueur dans une école française. Son premier livre est clair et animé, d’une concision qui engage, d’une lecture séduisante, malgré quelques incorrections qu’on remarque, parce qu’elles font tache dans un bon style. Mais ce livre doit prendre rang parmi ceux qui ont le rare privilége de se reproduire, et l’auteur pourra, tôt ou tard, en combler les lacunes et en adoucir les traits hasardés.


Rappelons, en terminant, un résultat que nous avons déjà signalé plus d’une fois, mais sur lequel on ne saurait trop insister, si véritablement la littérature est un écho de la pensée nationale. Les compositions légères et de pur agrément deviennent plus rares de jour en jour. Quand on recueille, comme notre tâche est de le faire, le peu qui se produit de ces fleurs d’imagination, on en trouve quelques-unes encore que la sève n’a pas abandonnées, et qui doivent même un éclat particulier à la pâleur et au dessèchement du reste ; mais le groupe dans son ensemble est mesquin et fané, comme ces bouquets d’arrière-saison qu’un souffle d’hiver a surpris. Au contraire, les productions sérieuses et d’une portée utile gagnent en nombre d’une façon très remarquable, eu égard surtout au ralentissement général des presses françaises. Ce nouveau caractère devient frappant dans la classe des livres sans cachet, que le courant de la fabrique envoie au commun des lecteurs. Nous sommes loin du temps où il fallait l’amorce du plaisir pour attirer les intelligences vulgaires et inexercées : le moyen de les allécher aujourd’hui est plutôt de leur promettre une nourriture substantielle, fût-elle même d’une digestion un peu laborieuse. À considérer l’ensemble de ce phénomène, il est d’un heureux augure. Il indiquerait que l’esprit public est en travail chez nous ; que cette reine du monde, appelée l’opinion, a senti, comme tant d’autres royautés vieillies, l’urgence de se réformer, et de substituer à l’aveugle loi du caprice la noble représentation du savoir et de l’expérience. Mais, pour l’observateur littéraire, il n’est pas temps encore de se féliciter. La prétention