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mouvemens révolutionnaires ne sont plus que les symptômes prévus d’un trouble intérieur.

La seconde section du livre, l’époque germanique étudiée par rapport à notre pays, laisse beaucoup moins à désirer. Il en devait être ainsi, puisque la terre gauloise a été le principal théâtre de la rénovation dont les Barbares furent les instrumens. On y trouve pourtant quelques assertions qui provoquent la controverse. Il nous semble que l’auteur n’a pas assez souvent mis à contribution le recueil des lois barbares, qui sont avant tout, comme on l’a dit avec vérité, une sorte de code rural. Un chapitre de vingt-cinq lignes, intitulé Partage des terres, ne tient pas dignement sa place dans une Histoire de la Propriété. Après avoir rappelé dans ce même chapitre que les Bourguignons et les Wisigoths s’approprièrent une partie des terres dans le pays où ils s’établirent, M. Laboulaye ajoute : « Quant aux Francs, qui n’étaient point, comme les Bourguignons et les Goths, des peuplades marchant sous la conduite d’un roi, mais simplement quelques bandes germaines unies par la conquête sous un nom de guerre, on ne voit point qu’ils aient dépouillé les anciens possesseurs. Il y avait sans doute dans les Gaules plus de terres incultes et domaniales qu’il ne fallait pour les satisfaire tous : c’est du moins ce qu’on peut juger par ces domaines immenses attribués aux rois francs, comme terres du fisc. » L’opinion commune fait généralement honneur aux Francs de cette générosité, mais elle est fort contestable. Du moins, ceux qui les premiers arrachèrent à Stilicon le droit de cohabitation sur les rives du Rhin, et qui, mêlés aux Belges, formèrent la nation des Ripuaires, obtinrent ou s’approprièrent des lots de terre, comme les autres barbares : le titre LX de la loi des Ripuaires ne permet pas d’en douter. M. Laboulaye dit encore (page 244) : « La population libre était dans les villes, » et plus loin (page 259) : « Les cités laissées aux Romains, la campagne fut découpée en cantons, etc. » Ces passages donneraient à penser que la population romaine a été violemment comprimée dans les villes ; ce serait se faire une idée très fausse de cette perturbation sans exemple dans les annales du monde, et que l’on a appelée la conquête faute d’un nom qui lui convînt.

Les Romains de condition libre ne furent pas relégués dans les villes, puisqu’ils conservèrent, tout le monde le sait, la moitié ou au moins le tiers des propriétés cantonales où ils faisaient habituellement leur résidence. Les biens du clergé, déjà considérables, furent en général respectés, et le clergé était romain. On serait même tenté de croire que l’autorité impériale, qui conservait encore le prestige de la force, s’étudiait à contenter les barbares, et à adoucir en même temps les angoisses de la spoliation dont les Romains étaient victimes. Tous les Germains n’ont pas été établis aux dépens des fortunes privées ; les monumens authentiques distinguent les concessions ou fonds de terre détachés du domaine public, et les sorts ou terres provenant de déchirement des propriétés particulières. Il était expressément défendu, par le code des Bourguignons, d’exiger un sort quand on avait déjà obtenu une conces-