Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/715

Cette page a été validée par deux contributeurs.
711
REVUE LITTÉRAIRE.

rajeunissemens de poésie. Mme Colet termine son volume par une petite pièce intitulée Plus de vers ; c’est là un serment de poète qui ne tire pas à conséquence, et que le succès de son présent volume la décidera vite à rétracter.


Livre de poésie à l’usage des jeunes filles chrétiennes[1]. — Voilà un titre bien modeste ; ce volume n’est qu’un choix, à travers la poésie française, des meilleures pièces qui remplissent les conditions de talent et de pureté. Mais ce choix est si curieusement fait, il y a une érudition de si bon goût autour de ces quelques pages çà et là détachées, les notices qui précèdent les pièces de chaque auteur sont touchées d’une main si sûre, qu’on y sent partout le jeu d’un esprit délicat habitué à vivre près des sources. À côté de Polyeucte on trouve nombre de scènes du Saint Genest de Rotrou ; après Athalie on retourne vers Malherbe et au-delà ; chemin faisant, ce sont d’agréables vers très peu connus, cueillis chez Godeau, chez Arnauld d’Andilly, chez Desmarest, chez Pélisson. L’auteur remonte ainsi jusqu’à Charles d’Orléans, et il ne descend pas au-delà de Voltaire. Je veux citer comme vers charmans d’un poète très décrié, ces stances de Desmarest, que son poème épique de Clovis a perdu, que ses comédies n’ont pas sauvé, et à qui Boileau (dit notre auteur) aurait dû quelque réparation pour ce moment de finesse et de grâce. C’est une traduction de l’hymne des saints Innocens : Salvete, flores martyrun, etc. :

Brillez, fleurs des martyrs, dont la troupe innocente
Tombe au lieu de Jésus sous le fer des méchans,
Comme un tourbillon dans nos champs
Rompt les tendres boutons de la rose naissante.

Prémices des martyrs qui pour Christ se dévouent,
Vous mourez pour l’Agneau, plus doux que des agneaux ;
Vous riez devant vos bourreaux,
Et vos petites mains de vos palmes se jouent !


Les Revenans, par MM. Jules Sandeau et Arsène Houssaye[2]. — Ces Revenans sont d’agréables nouvelles qui, dispersées çà et là depuis quelques années par les deux amis, se recueillent aujourd’hui en s’entrelaçant, et repassent ainsi, avec une sorte de nouveauté, sous les yeux des lecteurs. Le talent des deux auteurs s’y montre alternativement dans sa physionomie distincte ; on peut dire qu’ils se font nuance l’un à l’autre. M. Sandeau, le peintre tout ému de Marianna, a plus de sérieux et d’abandon dans le sentiment ; il s’y livre sans trop y sourire ; volontiers quelque grand souvenir élégiaque attriste ou pas-

  1. Leleux, rue Pierre-Sarrasin, no 9.
  2. Deux vol. in-8o, Desessart, rue des Beaux-Arts, 15.