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son temps, le luxe était si prodigieux, que des vases fictiles furent payés plus cher encore que les vases murrhins[1].

La salle des coupes renferme de précieux ouvrages de l’époque grecque ; le galbe de ces coupes est toujours d’une légèreté et d’une délicatesse infinie, et le travail en est admirable. La plupart ont été consacrées à Bacchus et datent de l’époque où le culte de ce dieu, poussé jusqu’au plus violent fanatisme, avait envahi toute l’Italie. On reconnaît ces coupes consacrées aux deux grands yeux ronds qui les décorent.

Toutes les pièces que renferme cette salle, l’une des plus curieuses du musée étrusque, sont montées sur un ingénieux mécanisme, qui permet de les examiner sous toutes leurs faces sans les déplacer.

La dernière époque de la céramique ne commence guère que vers la décadence des rites bacchiques, à la fin du Ve siècle de Rome. Sous Jules César et Auguste, cet art se perd. On n’invente plus, on copie. C’est une époque de renaissance de l’art égyptien et de l’archaïsme toscan. Les vases des premiers temps, devenus fort rares, étaient aussi recherchés des amateurs romains que les poteries du XVe siècle et le vieux Sèvres le sont chez nous. Strabon et Suétone nous racontent qu’à diverses reprises on découvrit un grand nombre de ces vases dans les tombeaux de Corinthe et de Capoue, et qu’on les vendit à Rome au poids de l’or. Ce furent les soldats que Jules César avait colonisés dans la Campanie, aux environs de Capoue, qui les premiers trouvèrent ces précieux vases dans des tombeaux qu’ils rencontrèrent en creusant les fondemens de leurs habitations. Ces vases étaient de la plus haute antiquité, et ces soldats travaillaient avec d’autant plus d’ardeur qu’ils étaient sûrs d’être récompensés de leurs peines par les découvertes qu’ils faisaient[2]. Comme nous venons de le voir, ces vieux vases fictiles obtinrent la préférence sur les vases murrhins et même sur les vases de bronze. Les tombeaux étant inviolables, il fallait une occasion extraordinaire, comme l’incendie et le rétablissement d’une ville ou le bouleversement causé par un tremblement de terre, pour faire des découvertes de ce genre ; ces trouvailles étaient donc sans prix. D’un autre côté, vers la fin de la république, les superstitions égyptiennes jouissaient

  1. Plin., Hist. , I. XXXV.
  2. Suetone, In Jul. Cæs. c. XVIII.