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EXPÉDITION AU SPITZBERG.

comme l’année dernière, interdite par une épaisse ceinture de glaces flottantes ; mais nous cherchâmes en vain cette île à l’endroit indiqué par les cartes anglaises et hollandaises[1]. Nous ne l’aperçûmes que le lendemain, et le 21, à midi, nous jetions l’ancre à trois milles environ de la côte.

Cette île fut découverte en 1596. La Hollande, délivrée du joug espagnol, commençait à donner à sa marine le développement que plus tard elle porta si loin. Déjà ses navires exploraient la mer Baltique, la mer du Nord, l’Océan et la Méditerranée. Son commerce d’Orient était encore entravé par ceux dont elle avait rejeté la domination. Pour échapper à leur poursuite, les Hollandais résolurent de chercher au nord-est un passage pour aller dans les Indes. En 1594, les Provinces-Unies équipèrent dans ce but trois bâtimens : le Cygne, commandé par Corneliss, le Mercure, par Ysbrandtz, et le Messager, par Barentz. Les deux premiers s’étant avancés jusqu’à quarante lieues du détroit de Waigatz, et voyant la terre se prolonger au sud-est, crurent avoir découvert le passage et reprirent la route de Hollande pour annoncer cette nouvelle. Barentz s’avança au nord-est jusqu’au 77e degré 25 minutes de latitude. Les glaces l’empêchèrent de pénétrer plus avant ; il vira de bord et arriva en Hollande à la fin de septembre.

L’année suivante, les états-généraux équipèrent une flotte de sept navires. Le commandement en fut confié à Heemskerke, et Barentz en fut nommé pilote-major. Malheureusement la flotte mit à la voile trop tard et n’alla pas au-delà de la côte septentrionale du détroit de Waigatz. Le 15 septembre, elle repassa ce détroit, et le 18 novembre, elle était de retour en Hollande. Les états-généraux, découragés par le résultat de ces deux expéditions, se refusèrent à en solder une troisième. Ils promirent cependant une prime assez considérable à celui qui parviendrait à découvrir le passage tant désiré, et la ville d’Amsterdam résolut de faire une nouvelle tentative. Elle équipa deux navires dont l’un fut confié à Hammerfest, l’autre à Corneliss. Barentz servait de guide à cette expédition et en était, à vrai dire, le personnage le plus influent. Le 22 mai 1596, les bâtimens arrivèrent aux îles Shetland. Le 9 juin, ils découvrirent une île dont aucun voyageur n’avait encore fait mention. Barentz descendit à terre avec quelques matelots, et se sentit péniblement ému à l’aspect de cette nature inculte, aride, déserte. Il donna à une montagne nue qui s’élevait devant lui le nom de montagne de Misère (Jummerberg), et quelques-uns de ses hommes ayant tué un ours blanc d’une grandeur extraordinaire, il appela cette île : Île de l’Ours (Beeren-Eiland).

De là Barentz et Corneliss continuèrent leur route au nord, et le 17 juin ils se trouvèrent par 80 degrés 11 minutes de latitude, c’est-à-dire au-delà de l’île d’Amsterdam. Les documens que nous avons sur cette partie de leur voyage sont peu explicites ; mais il paraît bien démontré que ce furent ces

  1. Scoresby fixe cette île au 18e degré de longitude. D’après les observations des officiers de la Recherche, elle doit être portée au 16e degré 29 minutes 10 secondes.