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CHRISTEL.

Et qu’est devenu Hervé ? Oh ! ceci importe moins ; les hommes, mêmes les meilleurs souvent, et les plus sensibles, ont tant de ressources en eux, tant de successives jeunesses ! Il a souffert, mais il a continué de vivre. Le monde l’a repris ; les passions politiques l’ont distrait, peut-être aussi d’autres passions de cœur, si ce n’en est pas profaner le nom que de l’appliquer à des attraits si passagers. Quoi qu’il soit devenu, et quoi qu’il fasse, il se ressouvient éternellement, du moins, de cette divine douleur de jeune fille, et, à ses bons et plus graves momens, sous cette neige déjà que le bel âge enfui a laissée par places à son front, il en fait le refuge secret de ses plus pures tristesses, et la source la plus sûre encore de ce qui lui reste d’inspirations désintéressées.


— « C’est trop vrai, dit alors une jeune et belle femme, et déjà éprouvée, qui avait écouté jusque-là en silence toute cette histoire ; ô hommes, combien vous faut-il donc ainsi de ces existences cueillies en passant pour vous tresser un souvenir ! »


S.-B.