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MÉLANCTHON.

qui professaient le nouvel évangile, ils fussent libres d’y persister, à la condition de s’unir aux catholiques pour obliger le reste des peuples à ne pas changer de religion. Ce décret absurde, qui demandait à un parti en progrès une action contre nature, en exigeant qu’il se circonscrivît et s’isolât, souleva les luthériens, qui protestèrent auprès de l’empereur : d’où le nom de protestans, bientôt commun à toutes les églises réformées.

Mélancthon se montra très circonspect, excepté sur un point où il fut pressant, jusqu’à se rendre suspect aux réformés : c’était la séparation d’avec les sacramentaires et Zwingle, leur chef. Il blâmait toute lenteur à cet égard. Dans le fond il était moins éloigné des catholiques, lesquels représentaient du moins l’ordre établi, l’organisation, que des anabaptistes et des sacramentaires, à cause de l’esprit de bouleversement qui perçait sous leurs dogmes. Mais c’est par cet esprit même que ceux-ci trouvaient faveur auprès de certains princes pour qui la réforme était une question d’intérêt bien plus que de conscience. Ces princes, et en particulier le landgrave de Hesse, se servaient de leurs théologiens, comme Philippe-le-Bel de ses jurisconsultes, pour brouiller les affaires, et n’étaient pas disposés à se séparer des forces vives du parti. Qu’on ne s’étonne donc pas que Mélancthon, qui les pénétrait, écrivît à Jonas, à son retour de la diète : « Ces ménagemens pour les Zwingliens m’ont jeté dans un si grand trouble, que j’aimerais mieux mourir que d’avoir à supporter de si grands maux. Toutes les douleurs intérieures m’ont accablé à la fois[1]. »

C’est dans ce voyage qu’étant allé voir sa mère, à Bretten, celle-ci lui demanda ce qu’il fallait croire de toutes ces disputes, et si elle devait s’en tenir aux prières qu’elle avait coutume de faire ; et les lui ayant récitées : « Continuez, lui dit son fils, de croire et de prier comme vous avez fait jusqu’à présent, et ne vous troublez point l’esprit de toutes ces controverses. » À peu de temps de là, une lettre de son frère lui apprit la mort de sa mère ; et l’indifférence avec laquelle il l’annonce à Camérarius, quoique son ami intime et le confident ordinaire de ses douleurs privées, semble prouver, ou qu’il avait quelque raison de moins regretter cette mort, ou que ses travaux ne lui laissaient même pas le temps de pleurer la perte des siens.

Le colloque de Marpurg suivit de près la diète de Spire. Il avait été ménagé par le même landgrave de Hesse que, cinq ans auparavant,

  1. Corp. ref., tom. I, no 617.