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Ludolfe fit commencer les constructions nécessaires pour le transférer dans la ville même de Gandersheim, près du fleuve Ganda. Cette translation ne put s’effectuer avant l’an 881. Le couvent de Gandersheim ne compte guère dans la liste de ses abbesses que des princesses de sang impérial ou ducal. Les trois premières furent Hathumoda, Gerberge et Christine, toutes trois filles des fondateurs. La quatrième abbesse, nommée Hrosvita, et qui était, suivant les uns, de la famille ducale de Saxe[1], suivant les autres, fille d’un roi de la Grèce[2], a été souvent confondue avec la simple religieuse qui rendit, un peu plus tard, ce nom si célèbre[3].

L’abbaye de Gandersheim semble avoir été, pendant les IXe et Xe siècles, une sorte d’oasis jeté au milieu des sables de la barbarie, et où fleurirent, mieux que dans aucune autre partie du nord de l’Europe, les arts, les sciences, et particulièrement la poésie. C’était alors l’usage, aux obsèques des abbés et des abbesses, de réciter sur leurs tombes des dialogues funèbres, espèces de petits drames dont il nous est parvenu quelques curieux exemples. Eh bien ! précisément un de ces exemples nous est fourni par l’abbaye de Gandersheim.

  1. « Rodeschvinda ducali stemmate nata eligitur… » Gasp. Brusch., Chronolog. monast. German., pag. 233, seq.Cf. Chron. episc. Hild. et abbat. monast. S. Mich., ap. Leibn., Script. Brunsv., tom. II, pag. 786. — Un catalogue manuscrit des abbesses de Gandersheim (Leuckfeld, Antiq. Gandersh., pag. 217 et 272) dit même qu’elle était fille du duc Othon-l’Illustre, second fils de Ludolfe, et père de Henri-l’Oiseleur ; mais d’autres chroniqueurs attribuent la même extraction à Luitgarde, qui lui succéda comme abbesse, et, d’ailleurs, les historiens ne donnent au duc Othon qu’une fille nommée Adélaïde, morte abbesse de Quedlimbourg.
  2. Leuekfeld, Antiq. Gand., pag. 273. — Cf. Selneccer., Pœdagog., part. I, tit. I, de Usuris. Cette origine romanesque est d’autant plus improbable, que des filles allemandes pouvaient seules être admises dans l’abbaye de Gandersheim.
  3. Les écrivains qui ont placé Hrosvita au IXe siècle, comme J.-H. Boeclerus (Comment. de reb. seculi IX et X, in Ottone II, pag. 362), Chr. Kostholtus (Hist. eccles. N. T., cap. III, pag. 392), et beaucoup d’autres, l’ont évidemment confondue avec Hrosvita l’abbesse. Celle-ci, élue et bénie en 903, par Walbert ou Waldebort, évêque d’Hildenesheim ou d’Hildesheim, mourut l’an 906 (Chron. episc. Hild. et abbat. monast. S. Michael., ap. Leibn., Script. Brunsv., tom. II, pag. 786) ou l’an 926 (Chron. Hildesh., ibid., tom. I, pag. 743. — Catal. episc. Hild., ibid., tom. I, pag. 773), dans les deux cas, avant la naissance de son illustre homonyme. Cf. Gasp. Brusch., loc. laud. — Hrosvita l’abbesse paraît d’ailleurs avoir été digne, par ses talens, de cette éminente fonction. Une chronique citée par Meibomius parle d’elle comme il suit : « Elle excellait en plusieurs sciences, particulièrement dans la logique et la rhétorique, comme le prouvent ses livres et ses manuscrits. Elle a composé, en effet, un traité de logique très célèbre. » Voy. Meibom., Vit. Roswith. monial. Gandersh., Rer. Germ. script., tom. I, pag. 706. — Il serait même possible que la Vie en prose de Willibald et Wunibald, attribuée par quelques-uns à l’illustre nonne, et qui certainement lui est antérieure, fût un ouvrage de Hrosvita l’abbesse. Voy. J.-Alb. Fabric., Biblioth. Lat. med. et infim. œtatis, art. Hroswitha, tom. II, pag. 829.