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six comédies écrites vers l’an 970, toutes sorties d’une même plume, et, ce qui ajoute à la singularité du fait, toutes sorties de la plume d’une femme.

La lecture du Querolus résolvait un important problème d’histoire littéraire. Cette comédie, évidemment disposée pour la représentation, prouvait ce qui avait été souvent révoqué en doute, que, malgré la prédominance incontestée des jeux de l’amphithéâtre et du cirque, malgré la passion effrénée des Romains pour les muettes représentations des pantomimes et les bouffonneries improvisées des mimes, il restait encore aux IVe et Ve siècles, sur le proscenium des théâtres antiques, une place pour les ouvrages que hasardaient de temps à autre les rares successeurs de Plaute. Cet aspect nouveau d’une question qu’on avait pu croire résolue en sens inverse, choquait, il est vrai, quelques opinions trop exclusives, mais ne blessait en rien la vraisemblance historique. Au Ve siècle, les théâtres sur lesquels on avait joué Térence étaient encore debout ; on conçoit aisément que les populations avides, comme elles l’étaient, de toutes les jouissances scéniques, retournassent par intervalle à la comédie antique, ne fût-ce que par inconstance.

Au Xe siècle, au contraire, dans ce temps de pleine féodalité, le nom seul de comédie semble un anachronisme. Durant cette laborieuse époque de concentration religieuse et de morcellement politique, il semble qu’il n’existât pour le drame ni poète, ni scène, ni spectateurs. Depuis long-temps les gradins des théâtres anciens avaient cessé d’être un lieu de récréation et de plaisir. La plupart de ces édifices avaient été transformés en citadelles, lors des invasions successives des Goths, des Huns, des Sarrasins et des Normands. Plus tard, ce fut avec les pierres tirées de ces vastes ruines que la féodalité éleva les seuls monumens dont elle avait besoin, à savoir des tours et des châteaux crénelés pour l’aristocratie militaire ; des églises et des abbayes, assez semblables par leurs dépendances aux hiérons de l’antiquité, pour l’aristocratie intellectuelle et cléricale.

Cependant, à la place des vastes théâtres qui avaient autrefois réuni d’immenses populations dans une même idée, comme dans une même enceinte, le pouvoir féodal fut bien forcé de laisser s’agrandir et monter vers le ciel ces immenses cathédrales, où la religion, à de certains jours, appelait et réunissait, sans les confondre, tous les ordres de l’état, les barons et les clercs, les vilains des cités et les serfs des campagnes. Aussi, est-ce surtout dans les cathédrales, ce lieu de réunion momentanée ouvert à tous pendant la période féodale,