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REVUE LITTÉRAIRE.

l’inspiration en soit humaine et généreuse ; mais restez libres, le plus que vous pouvez, dans les moyens et dans les choix. Quand vous serez plusieurs réunis en mon nom, a dit l’Esprit, je serai avec vous. Cela, dans l’ordre du talent, n’est vrai que d’un très petit nombre. Et la Muse sévère, à son tour, pourrait dire : « Quand vous serez plus d’un nombre choisi, et qui vous direz réunis en mon nom, vous mentirez, et je n’y serai pas. » Au reste (qu’on n’aille pas s’y méprendre), ce n’est point par modestie et par pur oubli d’eux-mêmes que plusieurs vrais talens se commettent de la sorte, c’est par ambition et orgueil. Ils se disent qu’ils peuvent se mêler sans péril, se ménager toutes les alliances, qu’ils sont immaculables, et sauront toujours s’en tirer. Ils se trompent : le talent, si haut qu’il soit, perd à ces gaspillages intéressés. Avec plus d’humilité intérieure, ils seraient plus fiers.

La Revue tiendra bon contre ces excès déshonorans ; elle tâchera de ne céder à aucun de ces travers. Son public lui saura gré de ses efforts ; elle ne craindra pas de lutter contre lui quelquefois. Le public, sérieux même et choisi, se laisse plus ou moins entamer, s’il n’y prend garde, par l’atmosphère qu’on respire ; le goût de la nouvelle le gagne, il veut un morceau de roman ; il appelle cela son plaisir. Illusion de lointain ! il ne sait pas, une fois la porte entrouverte, à quel débordement il s’expose ; une agréable fantaisie de hasard, signée de tel nom, entraîne après elle tout un fatras pour rançon inévitable. La Revue demande la permission de ne présenter, en ce genre, que ce qu’elle trouvera de bon goût et de fine espèce. À ce prix, il faudra parfois attendre ; les talens d’imagination et de poésie, dont elle croit posséder quelques-uns, ne travaillent pas à la journée ; très légèrement encouragés qu’ils sont par le triomphe du pêle-mêle, ils sont plutôt portés à se retirer dans le rêve, et à être avares d’eux-mêmes dans un temps qui discerne si peu. En ne négligeant rien pour les remettre en confiance et en veine, la Revue croira faire assez, dans l’intervalle, d’égayer ses travaux sérieux par d’intéressans articles de voyages, auxquels elle n’a jamais manqué, et dont quelques-uns, comme ceux de M. Barrot (s’il nous est permis de les louer), offrent un si vif agrément lorsqu’on s’y embarque une fois : quel roman ordinaire égalerait en variété de tels récits ? On tâchera, de plus, de ne pas manquer les occasions dans l’exposé courant des folies et des forfanteries littéraires du jour ; en disant un peu franchement ce qui se passe, en le rassemblant sous un coup d’œil, on aura souvent mieux, et sans y viser, qu’un chapitre d’invention. La Revue se contentera volontiers de cette double ressource pour sa portion la plus légère, et elle se rappellera avec satisfaction que le Globe lui-même, en son temps, fut toujours accusé d’être sérieux.

Il y a très peu à dire aujourd’hui sur les ouvrages qui ne le sont pas. En feuilletant le Capitaine Pamphile[1], que vient de lâcher M. Alexandre Dumas, nous trouvons que c’est dans le genre l’abrégé le plus amusant et le plus fou ; on peut s’y tenir, et brûler le reste. Le spirituel auteur ne prend plus la peine

  1. Dumont, Palais-Royal.