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magnanimité ait été amollie ; que c’est la nature qui l’a forcé à devenir époux ; que les saintes Écritures honorent le mariage. » Un peu de sa disposition superstitieuse vient à propos aider des explications dont il tâchait de s’exagérer la valeur : « Il y a, sans doute, ajoute-t-il, dans cette affaire, quelque chose de caché et de divin, qu’il ne convient pas que nous recherchions. » Mais les dernières réflexions sont plus conformes à la première, et Mélancthon finit comme il a commencé, par le doute. « Cet évènement, dit-il, ne sera pas inutile pour opérer quelque humiliation, y ayant un grand péril non-seulement pour ceux qui exercent des fonctions saintes, mais pour tous les mortels, à toujours s’élever[1]. »

Malgré ces fautes, il fallait continuer à marcher. Les évènemens se pressaient. La formation des ligues catholique et protestante, le progrès des sacramentaires, la résurrection des anabaptistes, tant de difficultés et tant de menaces pour l’avenir ne laissaient guère de temps au découragement. Mélancthon, tout en résistant, était devenu si nécessaire, qu’il fut peu à peu amené à prendre une part active et personnelle au gouvernement des églises saxonnes. Le nouvel électeur de Saxe, Jean Frédéric, qui connaissait son esprit conciliant et pratique, le chargea à diverses reprises d’inspections religieuses dans les diverses parties de l’électorat. Il fallut qu’il fermât son école privée, ses fréquentes absences ne lui permettant plus cette sorte d’enseignement.

Cette tâche d’inspecter les églises était pleine de difficultés, les principaux obstacles venant moins de la résistance des catholiques que du défaut d’intelligence et de lumières dans les organes de la réforme et de l’esprit de licence dans la multitude. Aussi Mélancthon, comme tous les esprits pratiques, se portant au plus pressé, s’inquiétait-il moins de raffiner sur la nouvelle doctrine que de la discipliner. Il engageait les prédicateurs à ne rien exiger d’excessif, à ne rien précipiter, à tolérer tous ceux des usages catholiques qu’on ne pouvait abolir sans irriter la foule. Il n’approuvait pas ces injonctions lancées, du haut de la chaire évangélique, contre les danses, les lieux de réunions et autres choses semblables, d’autant que certains prédicateurs n’en attaquaient l’usage en général que pour l’interdire à quelques personnes contre lesquelles ils avaient des ressentimens. Il ne voulait pas trop de prêches dans le même jour, et trouvait superflu d’en faire trois dans un dimanche ; que cette quantité engen-

  1. Corp. ref., tom. I, no 478.