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MÉLANCTHON.

L’Allemagne étant de nouveau maîtresse, et le parti protestant ayant vaincu par ses exagérés, Illyric et les siens revinrent à la charge contre Mélancthon. Ils agitèrent dans leurs conventicules de proscrire quelques-uns de ses livres. Enfin, à la diète de Worms, qui se tint en 1557, ils demandèrent qu’avant d’engager le débat avec les catholiques, il en fût ouvert un entre eux et les églises de la confession d’Augsbourg, représentées par Mélancthon. Les deux partis échangèrent en effet quelques discours sur les questions qu’on débattait depuis trente ans. « Ce premier engagement, dit Mélancthon, fut brillant et agréable[1]. » Il caressait encore ce rêve d’un grand débat solennel et définitif, et il n’avait pas cessé de croire à l’efficacité de la discussion. C’était l’erreur d’un homme qui y était sincère et qui y réussissait.

Pendant une suspension de cette diète, Mélancthon fut appelé à Heidelberg pour y constituer l’académie. C’est là que Camérarius vint lui apprendre la mort de sa femme. Leurs amis communs l’avaient chargé de ce soin. On avait espéré que le coup serait moins rude, si Mélancthon tenait cette nouvelle d’une bouche si chère. L’arrivée de Camérarius lui causa une joie si vive, que celui-ci n’osa pas d’abord la troubler, et qu’il le laissa s’engager en toute sécurité dans un de ces entretiens qu’il réservait pour son ami, et qui ne roulaient pas sur les matières théologiques. Le lendemain, Camérarius, craignant qu’il n’apprît d’un autre son malheur, et qu’il lui en voulût de ce silence, se décida à lui en parler. À cette nouvelle, Mélancthon ne s’échappa point en démonstrations violentes : il dit adieu à sa femme, en l’appelant par son nom, ajoutant qu’il ne serait pas long-temps à la suivre. Puis, s’enfermant avec son ami, il lui tint sur l’état des affaires, et sur l’avenir de l’Allemagne, des discours pleins de tristesse, et mêlés de prédictions que l’évènement ne démentit pas.

XV. — DERNIÈRES ANNÉES DE MÉLANCTHON.

Mélancthon ne devait pas être séparé long-temps de sa femme. Comme il croyait sa fin prochaine, il commençait à s’affecter moins des malheurs publics ou des siens, sentant que les douleurs longues et immodérées ne conviennent plus à l’homme que la mort va bientôt délivrer. Ses dernières années se passèrent dans ce calme sans indifférence, où il était arrivé après tant de peines d’esprit, soit par la raison, soit par l’épuisement. D’ailleurs, tous ses amis de son âge

  1. Lettres, liv. I, 85, 86.