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le serment qu’il confessait la doctrine présentée à Charles-Quint à la diète d’Augsbourg ; qu’avec l’aide de Dieu il y persévérerait, et qu’en cas de controverses nouvelles sur des points où des jugemens clairs n’auraient pas encore été portés, il en délibérerait avec les vieillards de l’église de Wittemberg et des villes alliées. Osiandre rejetait ce serment comme une tyrannie. Il parlait de bien d’autres dissentimens encore, et sur un ton menaçant, attaquant doublement la nouvelle église par ce qu’il disait et par ce qu’il affectait de taire.

Pourquoi un homme si éminent, de tant de savoir et d’éloquence, qui, à la diète de Marpurg (1529), avait émerveillé et charmé Luther et tous les autres théologiens, à qui ne manquait ni la fermeté ni la patience, qui sont parmi les premières qualités d’un chef de parti, n’eut-il que l’éclat d’un brouillon ? D’abord, ses plus belles années s’étaient passées sous Luther. Or, il n’y avait guère de chance à disputer à Luther le premier rang, et, en fait d’audace extravagante, Carlostadt et Zwingle n’avaient rien laissé à tenter. Luther mort, il fallait suivre avec la gloire toujours modeste d’un disciple, ou se distinguer par des folies. C’est la seule alternative des hommes de talent quand les révolutions sont consommées : ceux qui ne se contentent pas de la gloire de les assurer, ne trouvant plus rien de solide à faire triompher, et ne pouvant pas obéir, renchérissent sur le schisme et innovent en séditions.

Ce fut le sort d’Osiandre. Du reste, sa justification sans le Christ et sans les œuvres ne lui survécut que peu d’années. Elle causa quelques troubles à Nuremberg en 1555 ; mais, ce qui prouve combien ces troubles étaient peu profonds, c’est que ce fut assez de la douceur de Mélancthon pour les apaiser. Il y avait déjà trois ans qu’Osiandre s’était retiré du champ de bataille, selon la belle expression de son adversaire, annonçant sa mort ; et les honneurs même qu’on lui rendit, et qui furent, dit-on, extraordinaires, montrèrent bien qu’il s’agissait là d’une de ces renommées qui n’ont de fondement que dans la passion d’un jour, et non dans la raison générale.

Dans l’intervalle, la guerre avait éclaté entre Charles-Quint et Maurice, lequel eut cette gloire singulière, qu’après avoir aidé l’empereur à vaincre l’Allemagne protestante, il aida l’Allemagne protestante à vaincre l’empereur. On sait que Charles-Quint, poursuivi jusque dans Inspruck, s’échappa, non sans peine, par des passages inconnus des montagnes du Tyrol. La convention de Passaw rendit la liberté à Jean-Frédéric et au landgrave de Hesse, et mit les protestans sur le même pied que les catholiques.