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par ce désir de dissimuler les divisions de la nouvelle église en ne donnant point l’éclat d’un schisme à ses griefs personnels. C’est sur lui que les hommes ardens du parti allaient se venger des humiliations de l’Intérim.

Parmi les obligations prescrites par ce livre, l’empereur avait insisté sur le rétablissement des cérémonies. Mélancthon, qui ne les avait jamais rejetées, en tant qu’elles ne contrariaient pas les nouveaux dogmes, s’était soumis à cet article et avait engagé publiquement quelques églises à s’y soumettre. Le premier effet du relâchement qui suivit le départ de Charles-Quint fut une révolte universelle contre les cérémonies. C’était, pour les hommes passionnés du parti, le point le plus considérable, précisément parce qu’il s’agissait là d’une manifestation extérieure, et qu’il leur paraissait bien plus important de régler ce qui se voit dans la religion que ce qui ne se voit pas. L’Intérim n’avait rien commandé de plus sensible. Les dogmes que l’empereur avait prétendu régler pouvaient lui échapper dans le for intérieur où chacun les tenait renfermés jusqu’au jour de la liberté, tandis que les pratiques extérieures lui livraient, au moins en apparence, la religion. Il avait exigé les cérémonies, dans le doute d’obtenir les dogmes ; mais les chefs du parti de la résistance n’en rejetaient que plus les cérémonies, qui, pour la multitude, finissent par tenir lieu du dogme, pour peu qu’on l’y habitue. C’est ce que Mélancthon ne pouvait comprendre, parce qu’ayant une religion de raison, dont il avait débattu depuis trente ans tous les articles, il pouvait être assuré personnellement contre l’effet des cérémonies, et exempt du danger d’être ramené à son insu par le rétablissement des pratiques extérieures à la religion même dont elles étaient une dépendance essentielle.

Sa tolérance à cet égard, quoique justifiée par les plus nobles motifs et renfermée dans les limites de la confession d’Augsbourg, pouvait compromettre la réforme. Il voulait qu’on laissât subsister les fêtes, l’ordre des leçons, la confession et l’absolution avant de recevoir le sacrement, l’ordination publique pour le ministère évangélique, les prières pour les noces et les discours pour les enterremens, les chants, enfin le surplis, si détesté par le parti extrême. Il conseillait qu’on ne combattît que sur les choses importantes, d’où l’évidence pût résulter pour tous les hommes de sens, même parmi ses adversaires ; mais qu’on ne risquât pas, pour des points indifférens, de rappeler la guerre, et de faire déserter les églises. « Point d’audace avant le combat, écrivait-il à ceux de Strasbourg, qui l’accu-