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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

tre, deviendrait pour cette société, où toute agglomération est dissoute, un germe fécond d’organisation et de durée.

Je ne sais trop, monsieur, s’il m’est permis de répondre à des objections qu’on ne prendra probablement pas la peine de me faire. Si l’on disait pourtant qu’on fausserait le génie des corps locaux en les investissant d’attributions générales, je demanderais s’il ne vaut pas mieux diviser le mouvement politique que de le concentrer, et s’il ne serait pas plus habile de le tempérer par l’intérêt administratif que de laisser ces deux élémens dans l’égale impuissance de se contenir comme de se stimuler ? Vaut-il donc mieux s’exposer à recevoir par le télégraphe l’annonce d’une révolution parlementairement consommée que de s’établir dans des conditions qui la rendraient impossible ? Est-il interdit de croire que l’arme utile, en 1817, pour conquérir le pouvoir, sied moins lorsqu’il s’agit d’organiser sa victoire en fondant sur ses bases normales le gouvernement de l’intelligence et du travail ?

Est-il nécessaire d’établir que des corps élus l’un par l’autre seraient doués d’une vitalité tout autrement énergique que des assemblées primaires chargées d’élire des assemblées électorales ? faut-il prouver qu’il serait peu logique d’arguer contre le système dont j’essaie l’esquisse de l’impopularité attachée depuis l’an VIII à l’élection à deux degrés ? L’électeur primaire, chargé de dresser une simple liste de candidatures, et dont le suffrage concourt d’une manière à peine appréciable au résultat définitif, néglige un droit constamment primé par un droit supérieur au sien. Rien de semblable dans une combinaison qui tendrait à constituer plus fortement tous les corps en dotant chacun d’eux d’une fonction nouvelle, en faisant entrer la puissance électorale dans l’essence même de leur organisme. Ainsi l’on parviendrait à inoculer à la nation le principe électif, et en sachant rendre la liberté plus sûre d’elle-même et dès-lors plus mesurée, l’on préserverait le corps social de ces crises pittoresquement qualifiées de fièvres électorales.

Je n’insisterai pas davantage, monsieur, sur une pensée d’une réalisation à coup sûr problématique, mais à laquelle d’autres systèmes vainement essayés pourront finir un jour par préparer quelque avenir. J’ai pris, en commençant cette correspondance, l’engagement de faire suivre d’un peu de thérapeutique mon diagnostic social ; je ne vous donne pas mes remèdes, vous le savez, comme d’infaillibles spécifiques, et mon seul désir est d’appeler les méditations d’une haute intelligence sur la possibilité d’introduire dans notre France contem-