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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.
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14 octobre 1839.


Les chambres ne seront pas convoquées avant la fin de décembre. C’est encore un point où le ministère ne s’écartera pas des erremens de ses prédécesseurs.

Nous sommes loin de l’en blâmer. Il cherche à mettre à profit les évènemens, à trouver dans ses bonnes fortunes, dans les circonstances extérieures, la force et la confiance qui lui manquent. Il ne veut livrer la bataille parlementaire qu’en s’appuyant d’un côté sur l’Orient, de l’autre sur l’Espagne. Il espère que dans deux mois ces positions seront consolidées, et qu’il pourra s’en prévaloir sans crainte et non sans quelque orgueil.

Ces prévisions ne sont pas dénuées de fondement. Le ministère essaiera de profiter des évènemens, comme un général tire parti contre ses adversaires du canal qu’il n’a pas creusé, du château qu’il n’a pas élevé. C’est de bonne guerre !

Le mouvement espagnol ne s’arrêtera pas. Aux efforts du gouvernement de Madrid, aux secours de la diplomatie se joint une cause bien plus puissante de pacification générale : c’est le caractère méridional. Les Espagnols se porteront vers la paix avec le même entraînement et le même élan qui les poussaient à la guerre civile. D’ailleurs il se confirme que don Carlos, soit désir de recouvrer avant tout sa liberté, soit découragement, a envoyé aux chefs carlistes qui résistent encore l’ordre de poser les armes. Si l’ordre est sincère, le comte d’Espagne s’empressera de profiter du pont qu’on lui jette ; quant à Cabrera, nul ne peut dire ce qu’il fera. C’est le seul qui agisse par caprice et par emportement. Il sert ses propres passions plus encore que la cause du prétendant. S’il pose les armes, ce sera à contre-cœur et en maudissant ce qu’il appellera la lâcheté de don Carlos. Mais après tout il est probable qu’il sera lui-même subjugué par l’opinion publique. Le changement qui s’opère dans les provinces espagnoles n’est pas le résultat d’une intrigue ni le produit de l’habileté diplomatique. On en est redevable, avant tout, à la force des choses. Quoi qu’il en soit, avant deux mois la pacification de l’Espagne fournira au ministère un magnifique paragraphe pour le discours de la couronne.