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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

l’une[1], soit par voie de candidature, comme procède l’autre[2], serait rendre inévitables des choix purement locaux, alors que le but essentiel de l’institution devrait être d’y introduire des notabilités nationales pour faire de la chambre haute comme un degré supérieur, d’initiation à la vie politique. En présence de ces difficultés, on pourrait être conduit à placer l’élection de la pairie au centre même des trois pouvoirs législatifs, comme l’essaya la constitution de l’an VIII pour son sénat conservateur[3]. Peut-être ne jugerait-on pas impossible de concéder à la chambre inamovible le droit de se renouveler elle-même, avec un certain concours attribué à la royauté. Les corps les plus puissans par la pensée politique se sont ainsi perpétués par leur énergie propre. Rien n’habitue mieux qu’un tel principe à discerner les supériorités, sitôt qu’elles se produisent au dehors, pour les absorber dans son sein ; c’est à lui que toutes les sociétés savantes doivent leur puissance sur l’opinion, et nul ne se mettrait plus naturellement en harmonie avec une société aussi avide d’hiérarchie que d’égalité, depuis si long-temps tourmentée du besoin de concilier enfin cette redoutable antithèse.

À ceux qui diraient qu’un tel mode a des inconvéniens, ne pourrais-je, monsieur, répondre, avec Machiavel, qu’aucun parti n’en est exempt, et que l’esprit politique n’a jamais consisté qu’à choisir entre les moins graves ? Parmi ceux que je suis disposé à reconnaître, je me garderai toutefois de comprendre l’excès de force qu’une telle prérogative donnerait à la pairie. Ce n’est pas en notre temps qu’on peut redouter une force surabondante au sein d’un corps conservateur. Qu’on se rassure : la pairie, se renouvelant elle-même par l’élection, ne dégénérerait point en oligarchie, car l’hérédité ne lui appartiendrait pas, et ses membres ne se perpétueraient pas plus que ceux de l’Institut dans leur postérité. Vous ne redoutez pas d’ailleurs, je

  1. En Belgique, les sénateurs sont élus dans la même forme et par les mêmes électeurs que les représentans, sous condition d’être âgés de quarante ans et de payer au moins 1,000 florins de contributions directes. (Loi élect. belge, art. 42.)
  2. Les sénateurs espagnols sont nommés par le roi sur une liste de trois candidats, proposés par les électeurs qui nomment les députés aux cortès. (Constit. de 1837, tit. III, art. 15.)
  3. « La nomination à une place de sénateur se fait par le sénat, qui choisit entre trois candidats, présentés, le premier par le corps législatif, le second par le tribunat, le troisième par le premier consul.

    « Il ne choisit qu’entre deux candidats, si l’un d’eux est présenté par deux des trois autorités présentantes ; il est tenu d’admettre celui qui serait présenté à la fois par les trois autorités. » (Constit. de l’an VIII, tit. II, art. 16.)