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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

trouvé dans le parlement, même pour ses inspirations les moins heureuses, l’adhésion qui les légitime ; elle a donc marché dans ses voies naturelles : aussi, de tous les pouvoirs de l’état, la royauté est-elle le seul qui n’ait guère qu’à les suivre, et dont il n’y ait point à se préoccuper lorsqu’on embrasse l’ensemble de l’organisation sociale.

Mais s’il suffit de confier son avenir à sa prudence, n’en est-il pas tout autrement pour le pouvoir dont l’art. 23 de la Charte nouvelle a fait une émanation en quelque sorte filiale de la royauté ? Est-il possible de n’être pas frappé, à la vue de ce corps paralysé, du vice d’organisation qui enlève à ses membres jusqu’à la force dont ils étaient individuellement pourvus avant leur accession à la plus éminente dignité de l’état ? Voici des hommes de la capacité la plus authentiquement éprouvée : les uns ont reçu vingt fois le baptême électoral dans nos diverses assemblées législatives ; les autres sont les restes glorieux de cent batailles, les derniers acteurs de ces grandes scènes qui eurent l’Europe pour théâtre et le sort du monde pour objet ; ce qu’il y a d’illustrations dans la science, dans la politique et dans la guerre, d’expériences consommées fournies par tous les régimes, est groupé dans cette assemblée constitutionnellement égale à l’assemblée élective, et dont pourtant la France prononce à peine le nom à l’occasion d’un conspirateur ou d’un assassin jeté de temps à autre à sa justice. La pairie n’a, depuis des années, donné qu’un vote fictif à la loi principale de chaque session, celle des finances ; elle n’a pas ébranlé un ministère, encore moins son initiative a-t-elle contribué à former un cabinet, à ce point que, dans les hautes régions de l’ambition parlementaire, on a grand soin de décliner ses honneurs stériles, et qu’on n’hésite pas à s’y faire au besoin représenter par ses branches cadettes. Quel homme confiant dans son avenir et aspirant à une grande fortune politique se laisserait arracher tout vivant du Palais-Bourbon pour goûter la paix du Luxembourg ? À qui le palais des Médicis n’offre-t-il pas l’image de ce royal asile où reposent tant de débris mutilés, dans une retraite protégée par la piété publique et embellie par la solitude ?

La France pense-t-elle posséder deux chambres législatives parce que des messagers d’état voyagent cérémonieusement d’un palais à un autre ? Ne voit-t-elle pas toute la plénitude du pouvoir ballottée depuis neuf ans entre la royauté et la chambre élective, puissantes toutes deux, et peut-être à l’égal l’une de l’autre ?

Les conséquences d’un tel état de choses apparaîtront chaque jour plus redoutables, en admettant que les perturbations de ces der-