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supérieur à son contrôle, les évènemens consommés, les prestiges évanouis, les garanties réclamées par les intérêts, l’empire des mœurs et les tendances de l’esprit public ne permettent pas de concevoir une royauté dans des conditions plus propres à être acceptée par le grand nombre, que la royauté actuelle ; et c’est avec toute raison qu’on a pu la présenter comme la dernière application actuellement possible du principe monarchique en France. Rarement, d’ailleurs, une institution correspondit mieux, par son génie même, aux intérêts dominans qu’elle eut mission de consacrer, et la royauté de 1830 s’est trouvée en communion bien plus intime avec l’esprit de son temps que celle du stathouder de Hollande avec celui de l’aristocratie britannique. Aussi est-elle le pouvoir qui a conquis l’influence la plus décisive et la plus constante depuis le jour où tous les pouvoirs se sont relevés de la sanglante poussière des barricades.

On lui a reproché le besoin de trop faire par elle-même, en se montrant également jalouse et des apparences et des réalités de la puissance. Cette disposition d’esprit a été pour elle la source d’embarras graves et fréquens : on peut douter cependant que l’histoire la lui impute à blâme. La royauté nouvelle avait une terrible partie à jouer dans la France de juillet. Il était difficile qu’elle s’en désintéressât personnellement, lorsque les résultats l’atteignaient d’une manière si directe, et ce n’est pas en s’enveloppant dans les fictions légales de l’irresponsabilité qu’elle fût parvenue à jeter quelques racines, même au XIXe siècle. Un roi fainéant ne fondera jamais une dynastie en France, et dans ce temps-ci plus qu’en tout autre, il n’y a, pour résister à la tempête, que ceux dont le nom peut s’attacher à quelque idée, se lier à quelque durable souvenir.

Plus vous y réfléchirez, monsieur, en dehors de vos idées traditionnelles, plus vous verrez qu’il fallait que la royauté nouvelle eût un système, sous peine de ne rien exprimer et de disparaître à la première bourrasque. Vous vous êtes quelquefois trouvé en désaccord avec ce système lui-même ; vous avez pensé, comme votre cabinet, que, relativement à certains faits extérieurs, il laissait trop au hasard des évènemens, et ne demandait pas assez à la puissance de la France. Cette croyance, je l’ai pleinement partagée avec vous mais, quelle que soit mon opinion sur certaines applications de la politique qui prévaut depuis neuf ans, je n’en crois pas le principe moins conforme aux besoins du pays, moins constamment avoué par les intérêts groupés autour d’elle. Cette politique n’a jamais dépassé les limites de son action constitutionnelle, elle a toujours