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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

distingués s’évertuer à réformer un peuple en réformant sa constitution, sans comprendre que les lois sont lettre morte lorsque l’esprit public ne vient pas les vivifier. Ne craignez donc pas de me voir glisser dans un tel travers, celui de tous que je passe le moins aux hommes d’étude. Mais n’est-il pas, monsieur, certaines parties des institutions françaises qu’on pourrait redresser et compléter dans le sens de leur principe, et ne penseriez-vous pas, avec moi, que dans l’accomplissement d’une pareille œuvre le génie national viendrait en aide à un pouvoir intelligent et habile, bien loin de lui susciter des obstacles ?

Je disais dans une précédente lettre que nos institutions, résultat emprunté à l’imitation étrangère, laissaient en dehors d’elles divers élémens qu’elles sont destinées à embrasser ; j’ajoutais que la force des choses finirait par suppléer à la sagesse du législateur, à cela près que nous devrions le complément de notre organisation politique à l’expérience, cette institutrice dont les leçons sont toujours chèrement payées par les peuples. C’est ce champ de l’avenir que je vous demande aujourd’hui la permission de parcourir un peu avec vous.

Je ne prétends en aucune façon, vous le comprenez de reste, devancer les temps par des réformes hâtives. Je n’ai pas les poches pleines de constitutions, et je sais à merveille que des lois médiocres, subsistant en réalité, ont une valeur fort supérieure aux lois les plus parfaites conçues en puissance d’être. Mais, convaincu que des difficultés sans terme comme sans résultat sont destinées à marquer désormais toutes nos sessions législatives, et que notre système électoral, non plus que notre organisation parlementaire, n’est capable de les prévenir, craignant surtout qu’un jour ne vienne où le pays ne scrute d’un œil peut-être trop sévère tout le mécanisme de son gouvernement, je voudrais pressentir les pensées qui surgiront alors ; je voudrais rechercher si la simple théorie n’accuse pas déjà certains défauts, avant que l’évènement les ait fait éclater aux yeux de tous. Si j’étais homme de gouvernement, je pourrais m’abstenir de toucher à ces matières tant que le moment ne serait pas opportun pour y appliquer le souverain remède de la loi ; publiciste, je crois de mon devoir d’aborder de telles questions avant qu’elles deviennent brûlantes.

Trois pouvoirs politiques coexistent en France : l’un, sorti en 1830 de l’élection populaire, mais destiné à se perpétuer par l’hérédité ; le second, émanant du premier, avec la garantie de l’inamovibilité ; l’autre, se renouvelant à intervalles périodiques et rapprochés.

Les alarmes de l’opinion en face d’un titre qui se posait comme