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par Figaro : — « Eh ! quoi ? toujours aimer, recommencer sans cesse ? Les bêtes du moins n’ont qu’une saison. » — « C’est que ce sont des bêtes. » Mme Des Houlières, sans le dire de ce ton de prose, et sous air innocent de donner l’avantage aux bêtes, n’est pas si loin de cette idée en ses idylles : ses petits moutons sont aussitôt aimés qu’amoureux.

Petits oiseaux qui me charmez,
Voulez-vous aimer ? vous aimez.

Mlle de Lenclos, sur le luth, devait chanter ses airs : plus d’un rappelle cette Chanson pastorale du poète Lainez, qui commence par le rossignol et finit par les moineaux.

En un mot, un peu de XVIIIe siècle déjà en Mme Des Houlières, puisqu’on est convenu d’appeler XVIIIe siècle cela[1]. — À côté de ces libertés de muse, elle avait la vie pure, irréprochable, disent ses biographes, et peut-être assez de pratique religieuse, au moins pour la bienséance d’abord, et vers la fin (selon toute apparence) avec sincérité. Ainsi se gouverne l’inconséquence de nos esprits, assemblant les contradictions selon le siècle et les âges. Mais la tendance était chez elle, et j’ai voulu la noter. Elle fit une ode chrétienne en 1686, au milieu des souffrances physiques qui, dès-lors, l’éprouvaient : le ton en est élevé, senti ; j’y remarque ce vers :

Ôte-moi cet esprit dont ma foi se défie !

L’esprit persistait ; la philosophie revient toute voisine de cette pièce pénitente et de quelques paraphrases des Psaumes, dans des réflexions hautement stoïques ; on dirait qu’elle essaie la mort de tous les côtés :

Misérable jouet de l’aveugle fortune,
Victime des maux et des lois,
Homme, toi qui, par mille endroits,
Dois trouver la vie importune,
D’où vient que de la mort tu crains tant le pouvoir ?
Lâche, regarde-la sans changer de visage ;
Songe que, si c’est un outrage,
C’est le dernier à recevoir !

Elle fut très sensible à l’amitié ; on la trouve entourée de mille noms alors en vogue, dont quelques-uns ont pâli sans doute ; mais, pour la douceur de la vie, il n’est pas nécessaire d’avoir affaire aux seuls im-

  1. Par exemple la chanson sur l’abbé Testu.