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nouveau, l’ancien n’ayant pas été dépossédé, et le produit seul des extinctions étant attribué aux ministres de l’Évangile, quand toutefois les princes ne se l’adjugeaient pas pour les besoins de la guerre.

Au mois de juillet, Jean Schurff, jeune étudiant, laborieux et de bonne conduite, se noya dans l’Elbe en s’y baignant ; le recteur invite ses camarades à assister à ses funérailles, et leur fait défense de se baigner dans l’Elbe, « fleuve perfide, dit-il, où l’on voit des spectres qui menacent les nageurs. » Mélancthon n’eût pas songé à faire peur de ces spectres aux étudians, s’il n’y eût cru tout le premier.

Par d’autres avis du même mois et des mois suivans, il réprimande les étudians pour des espiègleries de collége. Une fois, il est informé qu’ils ont fait des dégâts dans les bois, coupé des branches, étêté des sapins, et querellé les gardes ; il leur fait défense de recommencer. Une autre fois, ils ont troublé la navigation sur les rives du fleuve, et quelques-uns s’y sont baignés, malgré la défense du recteur et ses spectres. Un avis du second semestre d’été les exhorte à être décens dans leur tenue, leurs gestes, leur costume. Un autre leur défend, sous menace de peines, de troubler les ouvriers qui travaillent aux fortifications. « Les écoliers, dit le bon recteur, doivent du respect à ceux qui réparent les murs à l’abri desquels les arts de la paix jouissent de la sécurité. »

Ailleurs, il les prie, soit de se joindre au convoi de la fille d’un haut personnage, soit de se rendre au temple pour mêler leurs voix en chœur. « Cette harmonie, dit-il, plaît à Dieu. »

Il n’eut à user qu’une fois du pouvoir disciplinaire, et il s’y prêta si mal, qu’il fit accuser sa douceur de complicité. Un certain Simon Lemnius, étudiant de l’académie, avait fait des épigrammes contre l’électeur et les professeurs. Un premier édit du recteur l’appela à comparaître devant lui, pour rendre compte de sa conduite. Lemnius n’y obéit pas. Un second l’ajourna à la semaine suivante, avec menace, s’il ne se présentait pas, d’être jugé et condamné, quoique absent. Lemnius ne s’émut pas plus du second édit que du premier. Enfin, par un troisième édit, le recteur le déclara expulsé de l’académie. Ses épigrammes n’en furent que plus lues, et il ne manqua pas de courtisans pour se trouver blessés des piqûres faites à l’électeur, et pour calomnier la lenteur de Mélancthon à instruire et à juger cette affaire.

On n’allait pas jusqu’à l’accuser d’avoir travaillé aux épigrammes de Lemnius, mais d’avoir molli par considération pour son gendre,