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Sur l’entrefaite, le landgrave de Hesse, qu’impatientaient toutes ces lenteurs, s’échappa d’Augsbourg un soir, avant la fermeture des portes, sous un déguisement, avec une suite de quelques cavaliers. Le lendemain Charles-Quint, qui le croyait encore dans la ville, fit défendre au sénat d’Augsbourg de laisser sortir personne. La garde des remparts fut doublée. Ces précautions prises, il fait venir les princes et les menace. S’ils ne souscrivent pas à la réfutation, ils s’exposent aux derniers périls, eux, leurs familles, leurs états. S’ils y souscrivent, ils ont tout à attendre de sa clémence. Quelques heures après, instruit que le landgrave s’est échappé, il rappelle les princes, s’excuse de cette fermeture des portes, de ces gardes doublées, disant qu’il n’a pris ces mesures qu’à cause d’un tumulte de la veille où un soldat espagnol avait péri. Il les sollicite de rester jusqu’à une décision ; que tous concourent à apaiser les troubles de l’église ; qu’il ne fera violence à personne. Sur ces assurances, les princes, dont quelques-uns songeaient à faire comme le landgrave, consentent à demeurer, et le débat par arbitres choisis est engagé.

Ces arbitres, ou plutôt ces champions, étaient au nombre de quatorze, dont sept catholiques et sept réformés. Les premiers avaient pour chef le docteur Eck, qui, depuis la dispute de Leipsick, avait acquis assez de vrai savoir pour n’être pas un adversaire indigne de Mélancthon, lequel était le chef des seconds. Seuls ils avaient le droit de prendre la parole. Dans une première séance, qui dura depuis midi jusqu’au soir, ils convinrent de dix articles de la confession. La discussion avait été douce et amicale. S’il arrivait que l’un des champions s’échauffât, les princes intervenaient dans les deux partis pour les rappeler à la modération. Tout l’auditoire était de bonne foi, et il semblait qu’on fût d’accord, les catholiques pour prouver que ce n’était point par insuffisance qu’ils s’étaient opposés d’abord à une discussion publique, les réformés pour faire regretter à l’empereur de leur avoir si long-temps refusé un moyen de défense dont ils usaient si modérément.

Dans une première conférence, la dispute est toujours mesurée, chacun voulant mettre de son côté l’avantage si considérable de la modération. Ajoutez que les préliminaires du débat n’intéressaient que les opinions spéculatives. Il s’agissait de la vérité de la religion chrétienne, du péché originel, et d’autres articles de foi générale, où un accord, même sincère, entre les deux partis, n’eût rien ôté à l’un ni rien donné à l’autre. Mais sitôt que le débat porta sur la forme même de l’église, sur la messe, le mariage des prêtres, la communion