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MÉLANCTHON.

cules, de sorte qu’avant qu’elle parût, elle était déjà ruinée, soit par les réponses sérieuses, soit par les railleries des protestans.

Il y eut, dans l’intervalle, une sorte de suspension d’armes, durant laquelle la ville d’Augsbourg courut voir un géant, « auprès duquel, écrit Brentius, qui était de grande taille, je me suis trouvé un pygmée[1]. » Un autre jour, c’était le lendemain de la Saint-Jacques, l’empereur se donna lui-même en spectacle dans une cérémonie où il conféra les insignes de feudataires à quelques princes, vêtu d’un costume qu’on estimait à deux cent mille florins d’or. Le commun des deux partis s’amusait à ces fêtes ; les chefs, surtout du côté des réformés, murmuraient de cet étalage de la majesté impériale, calculé, soit pour prolonger les débats et les trancher plus commodément par la fatigue universelle, soit pour effrayer les ames timides par cette pompe menaçante.

Enfin, le 3 août, la réfutation des catholiques fut lue, au nom de l’empereur, par Frédéric, comte palatin. Elle était précédée d’une sorte de prologue où Charles-Quint déclarait que telle était sa profession de foi personnelle, et qu’il y demeurerait fidèle jusqu’à la mort. La lecture en fut longue. César y dormit, comme il avait fait à celle de la confession d’Augsbourg. Il n’en somma pas moins les princes d’y souscrire, puis il permit qu’on négociât. Telle avait toujours été sa politique depuis l’ouverture de la diète. D’abord il refusait tout, comme pour éprouver la force de résistance des princes ; ensuite il consentait, non sans les faire attendre long-temps, à des concessions insignifiantes, pensant que son premier refus leur donnerait plus de prix, et que les princes, ayant d’abord désespéré de tout, s’exagéreraient par la surprise le peu qu’il leur céderait.

C’est ainsi qu’après dix jours de refus, il consentit à communiquer aux princes la réfutation écrite, à la condition qu’ils jureraient par serment de ne pas la publier. Il crut les satisfaire par cette faveur inattendue, et qu’il en détruirait l’effet principal en empêchant la publicité de la pièce ; mais les princes avaient appris l’art d’opposer des refus qui n’entraînaient pas une rupture à des exigences qui n’y étaient pas préparées : ils refusèrent de lire le document avec la restriction qu’il y mettait. On convint enfin d’une controverse définitive entre des arbitres pris dans les deux partis. C’était, depuis la lecture de la confession, le second avantage des réformés. Ils ne demandaient que la publicité, et des débats, si limités qu’ils fussent.

  1. Corp. ref., tom. II, no 813.