Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 20.djvu/16

Cette page a été validée par deux contributeurs.
12
REVUE DES DEUX MONDES.

dit Mélancthon, je vous supplie de permettre que je ne fasse qu’une seule réponse pour tous les discours que je vais entendre. Pris à l’improviste, je n’ai pu recueillir de quoi parler tant de fois. » Mélancthon, qui aimait à raconter ce trait, se félicitait d’avoir fait supprimer un usage ridicule. C’est par là surtout que l’anecdote est intéressante, car, en même temps qu’elle peint les mœurs des écoles de ce temps, elle fait voir dans Mélancthon l’homme ramenant toute chose au naturel, et la manière douce et insinuante dont il introduit les innovations.

Il arriva le mercredi 25 août 1518, à Wittemberg, à une heure de l’après-midi. Quatre jours après il fit un discours d’ouverture sur les réformes à opérer dans l’enseignement de la jeunesse. Voici ce que Luther en écrivit à Spalatin : « Philippe a prononcé, quatre jours après son arrivée, un discours très savant et très soigné, qui lui a valu tant de faveur et d’admiration, que vous n’avez plus à songer à quels titres nous le recommander[1]. » L’électeur le chargea de l’enseignement du grec. Après quelques mois à peine, sa chaire était la première de toute l’Allemagne, et ses succès lui avaient valu le surnom de Grec. Il n’avait pas encore vingt-deux ans.

II. — FONDATION DE L’ACADÉMIE DE WITTEMBERG.

Mon objet, dans ces études, étant moins de faire l’histoire particulière d’un homme, que de reconnaître et de peindre le grand mouvement intellectuel qu’on appelle la renaissance, il n’est peut-être pas hors de propos de raconter comment fut fondée cette académie, d’où sortirent les plus grands travaux de la renaissance et de la réforme.

Les académies ne furent instituées en Allemagne que dans les dernières années du XVe siècle. Ce fut dans une diète tenue à Worms, en 1495, par l’empereur Maximilien, qu’il fut convenu entre les sept électeurs du saint empire, que chacun d’eux fonderait une académie dans ses états. Jusqu’alors la superstition et le règne des moines avaient étouffé toutes les lueurs qui venaient de l’Italie, cette première patrie de la renaissance. Le peu que l’Allemagne comptait de savans allaient chercher au loin et à grands frais les moyens d’étudier. Cette sorte de pélerinage avait remplacé le pélerinage à la Terre-Sainte.

L’électeur de Saxe, Frédéric III, le premier des septemvirs, à

  1. Lettres de Luther.