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de Worms, qui n’avaient pas cessé d’être en vigueur, quoique les guerres de Charles-Quint en eussent fort relâché l’exécution.

L’électeur continua sa route jusqu’à Augsbourg, n’emmenant avec lui que Jonas et Mélancthon. Pour Luther, il reçut l’ordre de demeurer. On lui donna de vagues raisons. La vraie était que l’électeur craignait pour sa personne : mais on la lui cacha, de peur qu’il n’y vît une marque de défiance dans la bonté de la cause, et que, par un coup de fougue, il ne vînt à Augsbourg malgré tout le monde. Du reste, il fut convenu que rien ne se ferait sans ses avis.

Au préalable et à tout évènement, l’électeur avait voulu qu’un formulaire des églises saxonnes fût rédigé à Cobourg. On chargea Mélancthon de ce soin. La rédaction définitive avait été subordonnée aux circonstances encore imprévues qui devaient marquer la diète d’Augsbourg.

Au commencement du mois de juin 1530, tous les princes et états qui devaient composer la diète étaient successivement arrivés, et attendaient Charles-Quint. Chacun s’était fait accompagner ou représenter par ses prédicateurs, lesquels abondaient des deux côtés. George, duc de Saxe, entre autres, en avait amené une voiture pleine. Dans cette confusion d’opinions, d’hommes et d’intérêts si divers, les bruits les plus étranges et les plus contradictoires avaient tour à tour crédit. L’arrivée de Charles-Quint, ses dispositions, ses projets, ceux de sa cour, en étaient la matière. Les uns annonçaient qu’il venait sans parti pris, avec l’intention d’examiner à fond la querelle, et de corriger ce qu’il trouverait d’excessif dans les deux partis ; les autres le disaient prêt à écraser la réforme par les armes, et déjà engagé par serment à cette œuvre d’extermination. On ne faisait pas moins de conjectures, ni de moins contradictoires, sur les théologiens et les négociateurs dont il s’était fait suivre. Toutefois on s’accordait à fonder des espérances sur le crédit et la modération bien connue de son chancelier, Mercurinus Gattinara, lequel avait du penchant pour les réformateurs, à cause des lettres, dont le goût lui était commun avec les principaux d’entre eux. Chacun s’alarmait ou se réjouissait selon les bruits auxquels il ajoutait foi. Les timides travaillaient à la paix ; les hommes décidés ne prétendaient pas moins, protestans, qu’à intimider Charles-Quint ; catholiques, qu’à lui arracher des édits violens et des déclarations de guerre.

Ces espérances ou ces craintes se trahissaient dans les nombreux prêches qui se faisaient à Augsbourg. Il fallait bien occuper tant de prédicateurs, tous impatiens de se faire entendre, les uns par ardeur