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DU
GÉNIE DE L’ART[1].

Quel est le but de l’art ? Je réponds : La beauté. Solution trop élémentaire, dites-vous, et surtout trop antique. Essayons cependant de nous y attacher ; elle peut nous mener plus loin qu’il ne paraît. En effet, la beauté, où est-elle ? Dans une fleur, reprenez-vous, dans un rayon de soleil, dans le sourire d’une créature mortelle. Oui, sans doute, elle est dans toutes ces choses. Mais qu’elle y est incomplète, puisqu’elle y est périssable ! Au lieu de ces objets qui ne vivent qu’un jour, au lieu de cette lueur qui n’a qu’une splendeur empruntée, que serait-ce, si l’on rencontrait quelque part la fleur qui ne se fane jamais, le parfum qui ne se dissipe jamais, le sourire qui jamais ne se convertit en pleurs ? Alors seulement, ne le pensez-vous pas ? nous toucherions à la beauté, principe et fin de toutes les autres. Or, cette beauté, qui se communique sans s’épuiser, cette splendeur souveraine, sans lever et sans coucher, sans jeunesse et sans vieillesse, quelle peut-elle être, si ce n’est l’image même que vous vous faites de la perfection, que rien ne peut ni outrepasser, ni altérer, ni éclipser, c’est-à-dire l’idée par laquelle vous vous représentez Dieu

  1. Dans notre livraison du 15 avril dernier, en donnant le discours d’ouverture du cours de littérature étrangère que M. Quinet professait à Lyon, nous promettions de suivre les efforts du jeune professeur, qui ont été couronnés de tant de succès. Nous remplissons aujourd’hui notre promesse en publiant le fragment qu’on va lire, et qui sans doute ne sera pas le dernier.(N. du D.)