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Aussi la difficulté de s’entendre a-t-elle fait ajourner la promotion de quelques maîtres des requêtes en service ordinaire, et il n’est pas probable que le garde-des-sceaux rapporte, à cet égard, rien de terminé, de Fontainebleau, où les ministres se rendent tour à tour. Il paraît que le séjour en est fort brillant. M. Molé y va passer quelques jours. Peut-être à Fontainebleau certains rapprochemens ne paraîtront pas aussi monstrueux que veulent bien le dire quelques organes de la presse. — Le but que des journaux ont prêté à un voyage de M. le duc Decazes en Espagne est loin d’être vrai. Ce n’est pas du côté de la Péninsule, à ce qu’il semble, que M. le duc de Nemours trouvera une alliance ; on a prononcé dans quelques salons le nom d’une jeune princesse allemande.

Tout ce qui vient de se passer en Espagne est naturellement l’objet des conversations des hommes politiques : on se demande quelle est la part que peut revendiquer dans ce dénouement chacun des ministères qui se sont succédés depuis trois ans. Personne ne met en doute que la politique interventionniste de M. Thiers, bien qu’elle n’ait pas été appliquée par cet homme d’état comme il l’entendait, ait puissamment contribué aux progrès et aux triomphes de la cause constitutionnelle ; elle a donné du courage aux défenseurs du gouvernement représentatif en montrant la France toujours au moment de tirer elle-même l’épée contre don Carlos. Les partisans de cette politique ne peuvent, malgré l’évènement, s’empêcher de regretter qu’on ne se soit pas déterminé, et qu’on ait perdu cette occasion de faire assez facilement de la grandeur et de la gloire. Le cabinet du 15 avril, que tenait en haleine l’opposition de M. Thiers, a donné à la quadruple alliance toute l’extension possible, sauf l’assistance personnelle et armée de la France, et il peut se féliciter d’un évènement dont il n’a jamais désespéré. Le cabinet du 12 mai a l’insigne fortune de recueillir tous ces résultats, préparés depuis trois ans ; mais sa vigilance et sa promptitude ont-elles été en proportion de son bonheur ? L’Angleterre n’a pas cessé d’avoir des agens auprès d’Espartero : depuis plusieurs mois, lord John Hay voyageait sans relâche du camp de Maroto à celui d’Espartero. Cependant le Moniteur n’a annoncé l’envoi de trois officiers français auprès d’Espartero qu’après la transaction de Maroto. Depuis, il est vrai, le ministère, comme pour regagner le temps perdu, a multiplié ses agens ; il a voulu en envoyer auprès d’Élio, puis auprès de Cabrera, pour le camp duquel un émissaire est, dit-on, en route en ce moment.

Au surplus, la solution si complète qu’ont reçue les affaires d’Espagne, s’explique surtout par le caractère des deux hommes qui y ont joué le principal rôle, don Carlos et le général Maroto. On a souvent parlé de l’incapacité de don Carlos, et les derniers évènemens la prouvent assez. Mais les détails que donnent, sur le prétendant, ceux qui l’ont approché pendant la guerre qui vient de finir, dépassent toutes les idées qu’on pouvait s’en faire. Le sentiment profond de la nullité de ce prince avait pénétré jusque dans l’inimitié de sa petite cour. Le gouverneur même de ses enfans ne craignait pas de désespérer hautement d’une cause qui avait pour chef un tel personnage. Pour comble de dis-