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REVUE LITTÉRAIRE.

De singulières inadvertances grammaticales viennent à chaque moment jurer avec les lambeaux pittoresques de l’auteur, et confirmer sa prétention féodale plus qu’il ne faudrait. Non-seulement on trouve dans M. Capefigue des hérésiarques qui essayent à corrompre les peuples, mais des pièces dont il ne croit pas à l’authenticité ; il n’y a point de corporations, mais des gens qui se corporent. On voit aussi des ciels grisâtres (il ne s’agit ni de tableaux ni de ciels de lit), des yeux qui se ternissent de leur éclat, des chapitres consacrés sur tel sujet, et autres nouveautés linguistiques. Il serait cruel de plus insister.

Il semblerait seulement que quand on a fait si vite son compte avec les notions indispensables, avec la grammaire, avec la langue, avec l’étude réfléchie des faits, quand on passe, en quelques mois et sans façon, de l’histoire de la restauration à l’histoire de la réforme, de l’histoire de la régence à l’histoire de Hugues Capet ; quand on met au jour précipitamment volumes sur volumes, comme d’autres publient des feuilletons, il semblerait qu’on dût parler des maîtres avec quelque respect, et ne point les juger en note d’un ton leste et parfois outrageux. Or, il n’est presque pas un nom célèbre dans la science historique, auquel le dernier livre de M. Capefigue veuille bien reconnaître la moindre valeur.

Il y a beaucoup d’éloges, il est vrai, pour l’école bénédictine et pour tous les glorieux représentans de l’érudition du passé ; Sainte-Palaye est appelé avec affectation et d’un sourire de connaissance un candide et loyal marquis ; Ducange est qualifié à chaque page de grand, et le nom de Mabillon ne vient guère sans l’épithète d’immense ou de modeste, le nom de Muratori sans celle de prodigieux. Mais c’est là une manière très insuffisante de déguiser un travail hâté ; tant de louanges répétées sont inutiles, et quand on vit dans l’intimité des gens, on leur dit moins de flatteries. M. Capefigue a beau faire, Mabillon et Ducange ne le reconnaîtraient point comme de leur lignage, et s’il plaît à l’historien de Hugues Capet de faire figurer dans ses notes, comme sur un théâtre bruyant, dom Vaissette en manière de comparse, et dom Rivet comme figurant, il est très heureux que ces honnêtes bénédictins soient morts, car autrement ils seraient peu disposés à servir de compères pour toute cette fantasmagorie du moyen-âge. D’ailleurs, les bénédictins reçoivent aussi à l’occasion les leçons du maître ; dom Bouquet a sa petite semonce, et, en un moment de mauvaise humeur, M. Capefigue va jusqu’à ne reconnaître aux travaux de la congrégation de Saint-Maur que de l’exactitude sans élévation. Quant à l’école philosophique et à son représentant, Montesquieu, elle était trop imbue des sots préjugés du XVIIIe siècle, pour mériter autre chose que l’épithète de systématique.

Parmi nos contemporains, M. Augustin Thierry a la plus grande part des injures[1]. Sur les communes, M. Thierry n’a ajouté ni un fait, ni une idée aux travaux précédens, et il a montré beaucoup de charlatanisme. Ses livres conçus, au point de vue de Dulaure et de l’abbé de Montgaillard, sont composés dans le

  1. J’ai compté jusqu’à dix-huit passages contre M. Thierry.