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IDYLLE.

Et sur la pourpre vive où le rire pétille,
De son souffle enivrant respirer la fraîcheur.

ALBERT

Une fois seulement, j’étais le soir près d’elle ;
Le sommeil lui venait, et la rendait plus belle ;
Elle pencha vers moi son front plein de langueur,
Et, comme on voit s’ouvrir une rose endormie,
Dans un faible soupir, des lèvres de ma mie,
Je sentis s’exhaler le parfum de son cœur.

RODOLPHE

Je voudrais voir qu’un jour ma belle dégourdie,
Au cabaret voisin de champagne étourdie,
S’en vînt, en jupon court, se glisser dans tes bras.
Qu’adviendrait-il alors de ta mélancolie ?
Car enfin toute chose est possible ici-bas.

ALBERT

Si le profond regard de ma chère maîtresse,
Un instant par hasard s’arrêtait sur le tien,
Qu’adviendrait-il alors de cette folle ivresse ?
Aimer est quelque chose, et le reste n’est rien.

RODOLPHE

Non, l’amour qui se tait n’est qu’une rêverie.
Le silence est la mort, et l’amour est la vie ;
Et c’est un vieux mensonge à plaisir inventé,
Que de croire au bonheur hors de la volupté !
Je ne puis partager ni plaindre ta souffrance.
Le hasard est là-haut pour les audacieux ;
Et celui dont la crainte a tué l’espérance,
Mérite son malheur et fait injure aux dieux.

ALBERT

Non, quand leur ame immense entra dans la nature,