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REVUE DES DEUX MONDES.

Nous voudrions voir l’Opéra, ce noble théâtre qui dispose de si beaux élémens, entrer dans une voie meilleure et se renouveler un peu. Partout l’activité règne ; l’Opéra-Comique, si arriéré jadis et que Mme Damoreau a mis au pas, vient d’engager, à grands frais, des chanteurs et des cantatrices. Le Théâtre-Italien vient de s’enrichir encore de Mlle Pauline Garcia. L’Académie royale de Musique seule demeure stationnaire. Duprez n’est plus ce qu’il était, sa voix s’appesantit et diminue ; deux ans de labeurs excessifs ont accablé le grand chanteur. Un jeune homme doué de l’organe le plus ravissant qui se puisse entendre, s’était présenté pour l’aider à supporter le fardeau du répertoire, et le remplacer au besoin. Que fait-on pour M. de Candia ? On lui refuse les occasions de se produire et de conquérir sa part de cette faveur du public que Duprez veut avoir tout entière. Pour ce qui regarde les cantatrices, les difficultés se compliquent encore. Les cantatrices de l’Opéra tiendraient à merveille le second rang dans une troupe où l’on compterait la Grisi et la Persiani ; mais il est impossible qu’on ne songe pas à s’appuyer sur des talens plus généreux et plus solides. Voici bien long-temps que le provisoire dure, il faut cependant y mettre un terme. Nous doutons que M. Meyerbeer trouve dans le personnel de l’Opéra, tel qu’il est aujourd’hui, des interprètes dignes de l’œuvre nouvelle qu’il compose. Passe encore pour les ténors ; mais la voix profonde, éclatante, inspirée, la prima donna qu’il rêve, sera-ce Mlle Nathan, ou Mme Stolz ? Il était question dernièrement de mettre à la scène le Fidelio de Beethoven, pour faire pendant au Don Juan de Mozart. Pourquoi ne saisirait-on pas cette occasion pour engager Mlle Lowe, la brillante cantatrice de Berlin, dont M. Meyerbeer a parlé tant de fois avant les débuts de Mlle Nathan, et dont il reparlera sans doute à son retour de Boulogne ? Mlle Lowe ou toute autre ; mais il faut à l’Opéra une cantatrice du premier rang. Les compositeurs et le public la demandent avec une égale ardeur, et cette fois les intérêts de l’art se concilient trop bien avec ceux de l’administration pour qu’elle puisse, sans encourir les inconvéniens les plus graves, négliger long-temps d’y faire droit.



— L’article de M. Sainte-Beuve sur la Littérature industrielle a été l’objet de quelques récriminations de la part des intéressés, comme on pouvait s’y attendre. M. de Balzac s’est fait remarquer par le ton de sa réponse. Il y a tout d’abord mêlé, selon son habitude, une affaire d’argent, un procès dont il n’a pas rougi d’arguer à faux : on lui a répondu ailleurs. Quant à l’article même, estimant apparemment qu’on n’avait pas été assez sévère contre lui, il a pris soin d’aggraver le jugement par un commentaire alambiqué qu’il a affiché dans sa lettre. Qu’il se rassure pourtant ! En relisant à tête reposée le passage qui l’indigne le plus, il le trouvera moins sérieux qu’il n’imagine ; il verra que ce qu’on a le moins songé à lui contester jamais, c’est l’intrépidité, dans le mauvais goût.


V. de Mars.