Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/900

Cette page a été validée par deux contributeurs.
880
REVUE DES DEUX MONDES.

pour organiser la démocratie. Le nom du docteur Strauss a été prononcé de nouveau à l’occasion des scènes de Zurich, et d’après la manière dont en ont parlé les journaux, on pourrait croire que ce célèbre professeur ne se recommande à l’attention publique que par une impiété systématique qui veut exhumer le socinianisme. Il n’en est rien. Le livre du docteur Strauss, dont nos lecteurs ont lu la critique dans ce recueil, est un livre grave, religieux dans ses intentions, profond par sa science, riche enfin des derniers résultats de l’érudition contemporaine. Quand il parut, le gouvernement prussien, avant d’en permettre l’entrée dans ses états, en confia l’examen au savant et orthodoxe Neander. L’illustre théologien répondit au gouvernement qui le consultait, que le livre du docteur Strauss était un livre de science qui devait être combattu et réfuté par la science, et qu’il n’y avait aucune raison d’en défendre la lecture. Depuis, Neander a critiqué lui-même l’ouvrage dont il avait protégé la notoriété. Il est possible que le conseil d’état de Zurich ait manqué de tact en appelant l’historien de la Vie de Jésus-Christ au milieu d’élémens trop inflammables. L’université de Zurich était pour le théologien novateur un théâtre à la fois étroit et périlleux. Nous ne voyons en Allemagne que Berlin où Strauss eût été à sa place ; mais il fallait se garder de l’appeler dans une ville où ceux qui font une émeute la font au nom de Jésus-Christ, où le comité calviniste de la foi dit dans une proclamation : « Dieu a donné la victoire à la cause de la justice, mais elle a été chèrement payée. Plusieurs de nos frères ont succombé en combattant pour elle ; ils ont versé leur sang pour la patrie et pour le Christ. Dieu les récompensera dans l’autre monde. La patrie et les riches bourgeois prendront soin des veuves et des orphelins. » Ces traits sont dignes du moyen-âge, ils rappellent que dès le XIIe et le XIIIe siècle, Zurich était animée de passions religieuses où se mêlaient un mysticisme profond et une vive antipathie contre le catholicisme romain. Au surplus, aujourd’hui, la démocratie des campagnes l’a complètement emporté. Le grand conseil est dissous, et les électeurs sont convoqués pour le renouveler. On se demande si la liberté gagne beaucoup à ces coups d’état populaires qui satisfont plutôt les passions de la multitude qu’ils ne servent ses véritables intérêts.


P. S. La note insérée dans les journaux anglais sur le sens de la nomination de M. de Pontois a produit en France le plus mauvais effet. Le gouvernement l’a senti, et a donné à ce sujet les explications les plus nettes dans son journal du soir. Nous l’en félicitons. On assure en outre que le ministère est plus loin que jamais de faire à lord Palmerston les concessions impossibles auxquelles il s’est énergiquement refusé jusqu’à ce jour. L’Angleterre demande le blocus d’Alexandrie. On n’y consent et on n’y consentira point. L’Angleterre veut l’occupation de Candie. On n’y consentira pas davantage. L’invariable base des négociations est et restera la concession à Méhémet-Ali des droits que tout lui permet d’exiger, et que l’intérêt bien entendu des puissances de l’Occident, l’Angleterre, la France et l’Autriche, doit les engager à lui reconnaître.