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REVUE DES DEUX MONDES.

Et si, moi sommeillant, le zéphyr a surgi,
Au lieu de voile il bat l’aviron élargi.

Et dans ce goût encor le pêcheur et le pâtre
Allaient continuer l’ébat opiniâtre,
L’un passant à louer Sorrente et l’oranger,
Et l’autre ses grands rets que le thon vient charger.
Mais tandis qu’autour d’eux plus vaguement je rêve,
Sommeil ou vision, quelque chose m’enlève,
Et je me trouve avoir, au lieu de deux humains,
Deux anciens demi-dieux, deux faunes ou sylvains,
Qui de flûte en leurs chants, et de rire sonore,
Et de trépignemens s’accompagnaient encore.

LES DEUX FAUNES.

Paganisme immortel, es-tu mort ? On le dit ;
Mais Pan tout bas s’en moque, et la Sirène en rit.

UN FAUNE.

Le serpent d’Agnano qu’une oraison conjure
Et qu’innocent au bras on vous montre enlacé,
Est-il mieux enlacé, d’une oraison plus sûre,
Ou de même l’est-il qu’au règne de Circé ?

L’AUTRE FAUNE.

Alors que dans Tolède[1] à tout coin la Madone,
Saints Pascal et Janvier président au citron,
N’est-ce point, au nom près, de ces dieux en personne,
Petits dieux citadins qu’on peut voir chez Varron ?

Et les moqueurs ainsi, du propos et du rire,
En éclats redoublés qu’on n’ose tous redire,
Rehaussaient la chanson jusqu’à remplir l’écho
Des grands bois et des monts qui couronnent Vico.

LE PREMIER FAUNE.

Au Trésor-Saint-Janvier il est une chapelle,
Un maître-autel d’argent, sculpture solennelle ;
(On me l’avait conté, mais je l’ai voulu voir),
Un jour je m’y glissai tout habillé de noir :
La calotte d’abbé cachait ma double oreille,

  1. Grande rue de Naples.