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ÉGLOGUE NAPOLITAINE.

Ainsi j’avais atteint le frais Castellamare,
Et là, sous des lauriers que baise un flot dormant,
L’antique me berçait d’un long ressentiment.
Virgile l’enchanteur, et Sannazar peut-être,
M’appelaient en idée à l’églogue champêtre,
Et dans des vers déjà couronnés de fraîcheur
J’entendais disputer le pâtre et le pêcheur :

LE PÂTRE.

Qui viendra contre moi, quand je marche à la tête
De mes grands bœufs, plus grands que le taureau de Crète ;
Et dont la corne immense, en sa double moitié,
Semble l’arc pythien tout entier déployé ?

LE PÊCHEUR.

Qui fuira mieux que moi, quand la rame fidèle
S’ajoute au sein enflé dont ma voile étincelle,
Voile légère au mât, blanche sous le rayon,
Et plus oblique au vent qu’une aile d’alcyon ?

LE PÂTRE.

Ces bords où tout le jour la cigale obstinée
D’infatigables chants fête l’air enflammé,
La luciole y luit, et son feu tout semé
Y fête également la nuit illuminée.

LE PÊCHEUR.

Si de jour nous fendons sur l’azur de ces mers
Papillons par milliers aux nageoires bleuies,
Toute la nuit aussi nos rames éblouies
Aux flots resplendissans découpent mille éclairs.

LE PÂTRE.

À l’heure où chaque objet couvre en entier son ombre,
En plein midi brûlant, dans les champs dépeuplés,
Les troupeaux par instinct se resserrent en nombre,
Front contre front, vrais chefs en conseil assemblés.
L’autre jour je les vis, mais du haut d’un roc sombre.

LE PÊCHEUR.

À l’heure où le soleil enfle mon bras rougi,
Au bord de mon bateau je relève ma rame ;
J’étends ma voile en dais contre le ciel de flamme ;