Page:Revue des Deux Mondes - 1839 - tome 19.djvu/869

Cette page a été validée par deux contributeurs.



LÉLIA.

PARTIE INÉDITE.[1]

L’unité de pensée et la variété des œuvres sont les signes auxquels se reconnaît le grand artiste. Quand le poète, le peintre, le statuaire, laissent échapper de leurs mains d’intervalle en intervalle des types originaux, qui, sans se ressembler entre eux, portent l’intime empreinte de l’auteur, on peut les appeler féconds, mais de cette fécondité honorable et vigoureuse qui, loin de dégrader la gloire acquise, l’augmente et la fortifie. Certes, depuis que Lélia a paru pour la première fois, l’écrivain ne s’est pas montré stérile ; des productions neuves et brillantes se sont multipliées sous sa plume, et il n’est plus permis de douter aujourd’hui soit de la force de sa pensée, soit de la richesse de sa fantaisie. Il semblait donc que George Sand pût laisser derrière elle Lélia telle qu’elle l’avait façonnée dans un élan d’improvisation fougueuse, et lui permettre de prendre rang, sans y retoucher, parmi ses poèmes les plus éclatans. Mais, dans les créations d’un artiste, il y en a qui obtiennent le privilége de le préoccuper plus profondément que d’autres ; il ne peut les oublier, même au milieu de ses autres travaux, surtout si la pensée qui a présidé à ces créations lui est toujours chère, si elle a été méconnue par les uns, applaudie par d’autres, surtout enfin si cette pensée se confond avec les passions les plus généreuses et les plus vives qui tourmentent le siècle. George Sand a donc refait Lélia, non pour la changer, mais pour la développer. Le motif est le même ; mais le chant est plus varié, travaillé à fond, enrichi d’effets nouveaux. Ceux qui ont lu et compris Lélia la reconnaîtront plus noble, plus profonde et plus
  1. La nouvelle édition de Lélia paraîtra sous peu de jours en trois volumes in-8o entièrement refondus, et dont un inédit.