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LES MARBRES D’ÉGINE.

de l’ancienne Athènes et celle d’Égine ? Ensuite M. Mueller prétend avoir découvert dans le lexique d’Hésychius une glose qui serait le document le plus précieux qu’on pût fournir dans la matière : Εργα αιγινητιχα, οι συμβεβηχοτες ανδριαντες, (statues éginétiques, figures dont les pieds sont immobiles et parallèles) telle est cette définition qui trancherait les difficultés de notre sujet. Mais, après les recherches les plus minutieuses, nous n’avons rien trouvé de semblable dans l’édition d’Albert, qui est la meilleure qu’on ait donnée d’Hésychius. Que cette glose importante n’ait pas été lue par M. Mueller dans une autre édition d’Hésychius, c’est ce que nous ne saurions ni nier, ni affirmer ; mais qu’en tout cas elle y ait été ajoutée par quelque grammairien des siècles passés, désireux de compléter son auteur, c’est ce qui ne serait pas invraisemblable. Pausanias me fournit une excellente raison pour le penser ; si les statues éginétiques avaient les pieds fixés sur une même ligne, comment aurait-il pu dire qu’elles différaient des statues égyptiennes dont cette immobilité était la véritable marque ? Je touche ici au point le plus délicat de la question ; mais il ne convient pas d’y insister davantage en ce moment.

Ces indications étaient plus que suffisantes pour attirer l’attention des historiens de l’art. Winckelmann a le premier constaté l’existence d’une école éginétique ; sans en déterminer le caractère, il l’a mise sur le même rang que les anciennes écoles de Sicyone et de Corinthe. Nous avons vu que M. Quatremère de Quincy a cherché à lui assigner une plus vaste étendue, en l’assimilant au style étrusque, et en la présentant comme l’exemplaire de toutes les anciennes manières de la Grèce. L’Allemagne du nord et celle du midi ont depuis lors agité ce problème ; elles y ont apporté cette variété immense de connaissances, mais aussi cette indécision qui semblent être le propre de leur érudition. La plupart des savans de la Bavière, M. Thiersch, M. Wagner, l’illustre Schelling lui-même, ont pris part à ce débat ; M. Otfried Mueller a voulu lutter avec eux, au nom de la science du Nord ; je crains qu’il ne les ait combattus sur plusieurs points capitaux que pour l’honneur de son parti. Sur cette question, l’érudition française a été réduite jusqu’à ce jour à des pressentimens que M. Raoul-Rochette a parfaitement résumés dans son Archéologie. L’érudition des Allemands est sans contredit mieux informée et plus profonde ; mais, je dois le dire, parce que je suis fier de le penser, il y a souvent plus de vérité et de précision même dans notre imagination que dans leur science.

Si nous avions conservé les odes des Théandrides, qui étaient la