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DU GOUVERNEMENT REPRÉSENTATIF EN FRANCE.

sieurs siècles, celui de 1830 l’a consacrée par le fait qui est d’ordinaire dans l’histoire le sceau des grandes révolutions sociales.

Je conserve ma foi en la vitalité de cette idée, même au milieu des ombres du présent, lorsque sa physionomie semble le plus vaguement dessinée ; et cette foi est d’autant plus sérieuse, que nul à coup sûr n’a moins que moi le fanatisme de sa croyance. Je crois donc en l’avenir de notre établissement politique, et les faits qui viennent de se passer sous nos yeux me suggèrent des conclusions différentes de celles qu’ils inspirent à deux autres écoles. D’après celles-ci, la classe à laquelle est en ce moment commise la direction de la société est atteinte et convaincue d’impuissance pour l’avenir comme pour le présent. Il faut dès-lors élargir les bases du gouvernement, et faire cesser un odieux monopole, projet pour l’accomplissement duquel ces deux écoles, par une concordance singulière, font appel à l’élément démocratique.

Nous discuterons les conséquences qu’entraînerait dans l’ordre intellectuel et politique l’admission au sein de la représentation nationale de l’intérêt populaire proprement dit, en concurrence avec l’intérêt aujourd’hui dominant ; nous contesterons à cet égard et le droit théorique en lui-même, et la convenance de son application ; nous rechercherons enfin par quelles transformations doit encore passer l’idée bourgeoise pour acquérir les propriétés qu’elle ne possède pas encore, et devenir la base d’une organisation durable.

Voilà, monsieur, un fécond topick pour nos causeries. Celles-ci vous seront une distraction d’esprit entre vos fonctions de magistrat de comté, vos belles expérimentations agricoles et vos chasses au renard. La même question, d’ailleurs, ne s’agite-t-elle pas chez vous ? Ce radicalisme modéré auquel vous donnez la main dans la chambre des communes, en soutenant l’administration actuelle, qu’est-il autre chose que l’opinion française ou bourgeoise cherchant laborieusement sa voie entre la démagogie et le vieux droit aristocratique, entre Stephens et lord Roden ? Vous me prêterez donc quelque attention, ne fût-ce que par patriotisme.


L. de Carné